dimanche 27 juin 2010

Vous êtes le Corps du Christ





Lecture : I Corinthiens 12. 12-27

Prédication donnée à Reims le 27 juin 2010 à l'occasion de la journée internationale de l' ACAT, Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture.


Corps du Christ n'est pas corporatisme

Vous êtes le corps du Christ, dit l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe. Sommes-nous aujourd’hui, frères et sœurs, le corps du Christ ? Qu’est-ce que cela veut dire ? qu’est-ce que cela implique ?

De prime abord l’idée de faire partie d’un corps évoque les grands corps de l’Etat. Le corps des ingénieurs des Mines, par exemple. J’imagine une conversation du genre : « Bonjour. Au fait, tu es du corps des Ponts et Chaussées ?

- C’est exact, répond l’autre.

- Ah, félicitations. Moi, je suis du corps du Christ ! »

Il y a corps et corps. Le corps du Christ, qui désigne l’Eglise, n’est pas une élite. Il n’y a pas de concours hyper sélectif à réussir pour y entrer. Les grands corps de l’Etat, les corporations, le corporatisme… tous ces mots sont bien construits sur le mot corps, mais il ne faudrait pas en déduire que l’Eglise est une corporation, n’ayant pour vocation que la défense de ses intérêts dans la société… même si hélas, cela a été le cas à certaines périodes peu reluisantes de son histoire.

La vocation de l’Eglise n’est pas d’être le corps du Christ pour lui-même, mais d’être le corps du Christ pour le monde entier. Car le Christ n’est pas mort et ressuscité pour les seuls chrétiens, mais pour toute l’humanité. Nous sommes le corps du Christ implique que notre mission n’est pas tournée vers l’intérieur, mais vers l’extérieur.

Unité dans la diversité

Mais pour rayonner vers l’extérieur, il faut d’abord être uni à l’intérieur.

L’Eglise de Corinthe à laquelle s’adresse Paul connaissait des schismes et des divisions internes. C’est pourquoi Paul insiste sur la nécessité d’être uni. Tout en sachant que les membres de cette communauté ont des origines, des cultures et des charismes extrêmement variés. C’est l’unité dans la diversité.

Alors Paul utilise une image qui circulait déjà dans la littérature de son époque, et qui apparaît dans l’Histoire Romaine de Tite Live et plus proche de nous, dans les fables de La Fontaine.


La fable des membres et de l’estomac. Les bras et les jambes décident de se mettre au chômage, et de ne plus fournir d’aliment à l’estomac, qui se trouve contraint au chômage technique. Les mutins s’aperçoivent un jour qu’il n’ont plus de force et comprennent qu’ils ne peuvent se passer de l’estomac pour vivre. Dans un corps, chacun des membres est solidaire des autres, chacun a besoin de l’autre et les bras ne peuvent pas dire à l’estomac : je n’ai pas besoin de toi.

Si une partie du corps souffre, c’est tout le corps qui souffre. C’est évidemment ce qui se produit en nous à chaque fois que nous nous blessons au pied ou que nous avons une crise de foie. Paul le dit avec justesse : si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie.

C’est exactement comme cela que l’ACAT voit sa mission : lorsqu’un prisonnier est torturé au fond d’une cellule de Colombie ou de Chine, c’est toute l’humanité qui devrait souffrir.

Et si l’humanité ne manifeste qu’indifférence à l’égard des torturés ou des exclus, il faut bien que quelques hommes de bonne volonté se lèvent pour exprimer leur indignation, et leur compassion, et fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour libérer les prisonniers politiques et faire cesser les traitements indignes.

Et lorsqu’une personne, par le biais de la pression des signataires de pétition et de l’opinion internationale, finit par être libérée, alors c’est la joie. Et tous devraient se réjouir comme un seul homme.

les frontières du Corps nous échappent

Vous allez me dire : mais ces prisonniers et ces torturés ne sont pas nécessairement des chrétiens, ils ne sont pas membres de l’Eglise !

Evidemment. L’ACAT n’agit pas seulement pour les chrétiens. Elle agit pour tous les hommes, sans distinction de religion ou d’opinion. En effet ces personnes qui souffrent ne font-ils pas partie aussi du corps du Christ ? Ce n’est pas le certificat de baptême qui fixe la limite du corps du Christ. Pour le Christ, il n’y a pas de limite qui compte. Le corps du Christ s’étend, ou a la vocation de s’étendre, à toute l’humanité. Les frontières de l’Eglise, corps du Christ, échappent à notre entendement. L’homme blessé sur le trottoir que vous remettez debout, il fait partie du corps du Christ. Mère Teresa disait : quand je vois par terre dans une rue de Calcutta, un homme décharné et que je le prends dans mes bras, c’est Jésus Christ lui-même que je porte.

Laurent Schlumberger, le nouveau Président du Conseil national de l’ERF, a fait une déclaration d’ouverture du Synode qui est claire sur la mission de l’Eglise, corps du Christ. Son message est intitulé : l’Eglise au-delà de l’Eglise. Il y voit un paradoxe : l’Eglise est appelée hors d’elle-même - c’est d’ailleurs la signification du mot église. Elle n’est jamais tant à sa place que lorsqu’elle est sur son propre seuil, jamais tant au cœur de sa raison d’être que lorsqu’elle sert Dieu et les hommes. Et il ajoute : c’est précisément au moment où elle se trouve ainsi dépréoccupée d’elle-même qu’elle réalise sa vocation.

Nous sommes aux antipodes du corporatisme.

Les trois missions de l'Eglise

A propos du rapprochement des Eglises Réformées et Luthériennes, Laurent Schlumberger a rappelé les trois principales missions de l’Eglise : prier, annoncer l’Evangile, servir les hommes. On peut le dire autrement : le culte, le témoignage et la diaconie.

Chacune des trois dimensions de l’Eglise est importante, et il ne faut pas privilégier l’une et délaisser l’autre. C’est comme les trois pieds d’un tabouret. Si l’un des pieds flanche, c’est le tabouret qui s’écroule. Prier, témoigner, servir. D’ailleurs, ces trois aspects existent dans les activités de l’ACAT, avec un accent particulier sur le service du prochain en difficulté, et la prière. Cette dernière est au cœur de toutes nos activités d’Eglise, car la prière est la respiration du chrétien. Et si le corps cesse de respirer, il s’étouffe et se désarticule, ou se recroqueville sur lui-même.

Amen

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