mardi 29 juin 2010

Les larmes et le parfum







Prédication donnée à Reims le 19 juin 2010

Lectures : Exode 15. 22-25 et Luc 7. 36-50

Interruption de séance

Imaginez qu’à l’instant où je vous parle, surgisse du fond du Temple un individu habillé de manière étrange, la tête rasée sauf au milieu du crâne et tirant deux chiens au bout d’ une grosse chaine. Il s’agenouille devant l’autel et crie d’une voix forte : Dieu est bon, j’aime Jésus ! puis il se tourne vers l’assemblée en répétant, les bras ouverts : Dieu est bon, j’aime Jésus !

Murmures dans l’assemblée… les uns se disent : ici les chiens sont interdits ! d’autres : quel sans-gêne ! ou encore : cela ne se fait pas chez nous de s’agenouiller devant la table de communion ! et il y aurait bien d’autres réactions…

Peut-être quelqu’un se dirait aussi : il a raison cet homme quand il dit : Dieu est bon, et Jésus est digne d’être aimé ! Et ça, au moins, je le retiendrai, alors que j’aurai vite fait d’oublier le sermon du pasteur !

Même interruption de séance dans le passage de l’Evangile que nous avons lu ce matin : Jésus est en train de partager un repas chez Simon le pharisien, et voilà que surgit une femme de mauvaise vie, une prostituée, qui s’agenouille au pied de Jésus. Tout en larmes, elle essuie les pieds de Jésus avec ses cheveux et elle verse du parfum sur ses pieds. Murmures des convives : qu’est-ce que c’est que cette prostituée qui entre sans autorisation, et qui verse du parfum sur les pieds de Jésus !et Jésus lui-même qui se laisse faire ! c’est indigne de lui. Et le maître de maison qui se dit en lui-même : Jésus ne sait pas que c’est une prostituée, ce n’est donc pas un prophète.

La femme n’a rien dit. Elle n’a pas dit pas «Dieu est bon, j’aime Jésus », mais elle le pense dans son cœur, elle l’exprime par ses gestes. …

Au milieu des murmures, cette femme exprime un amour sans limite, une reconnaissance infinie pour ce que Dieu a fait dans son cœur. On voudrait bien en savoir plus sur son passé, ses rencontres avec Jésus, mais le texte de Luc ne le dit pas. Jésus, lui, le sait et à travers une petite parabole (que nous n’allons pas étudier ce matin) il explique que cette femme a été pardonnée d’un grand péché. Et ses larmes, ses gestes d’amour envers Jésus sont d’autant plus intenses qu’elle s’est sentie libérée d’un plus grand poids.

La dernière phrase de Jésus c’est « va en paix, ta foi t’a sauvée. »

La foi de cette femme s’exprime non par des paroles, comme dans l’exemple de l’intrus du Temple, mais par des larmes et du parfum.

Les larmes

Les larmes peuvent avoir diverses origines. Il y a toutes sortes de larmes. Qui n’a jamais pleuré dans sa vie ? il y a des larmes de tristesse, de colère et de frustration, mais aussi des larmes de joie. Il y a des larmes de crocodile, feintes, et des larmes cachées et sincères.

Ici, je pense que cette femme a versé des larmes de repentance. En s’approchant de Jésus, elle mesure tout le gâchis de sa vie, toute l’ampleur du désastre de son existence brisée.

Les larmes de repentance peuvent surgir aussi lorsqu’on prend conscience d’une lâcheté, d’une infidélité que l’on a commise, et on se tourne vers Dieu d’un cœur brisé. Comme l’apôtre Pierre qui a renié trois fois Jésus la nuit de son arrestation, et qui s’est mis à pleurer après le chant du coq. Il sortit pour ne pas montrer ses larmes. C’est dans la solitude de la nuit qu’il trouve refuge pour les épancher, avec Dieu seul pour témoin. Pleurer ses péchés se fait devant Dieu seul, au plus profond des ténèbres.

Pour moi, cette femme représente toute la misère du monde. Les souffrances, les angoisses, les culpabilités… quel fardeau ! les familles brisées par l’extrême pauvreté, ou par l’alcool.

Et au cœur de cette misère s’exprime la repentance de ceux qui ont pris conscience de leur part de responsabilité dans ce malheur, et qui se retirent dans un lieu secret et demandent pardon à Dieu.

Vous connaissez peut-être l’expression : jeter son fardeau au pieds de Jésus. On dit aussi jeter son fardeau au pied de la croix. Eh bien, c’est ce qu’a fait cette femme en versant ses larmes sur les pieds de Jésus.

Le parfum

Elle a aussi versé du parfum.

A quoi sert le parfum sinon de répandre une agréable et apaisante odeur alentour ? (Peut-être avez-vous remarqué que la feuille de culte avec les annonces que vous tenez dans les mains sent bon. Cette petite feuille répand alentour le parfum des collines provençales, la lavande.)

Dans l’Ancien Testament, le parfum faisait partie des rites pratiqués par les prêtres. Le parfum et la fumée montaient vers le ciel en signe d’offrande ou de demande de pardon. Aujourd’hui, le parfum est l’objet d’un commerce très lucratif. Dans l’industrie du parfum, on recrute des nez. Savez-vous qu’il faut 7 ans pour former un « nez » ?

Revenons au contexte de notre récit. A l’époque de Jésus le parfum était utilisé pour embaumer les corps. La femme était-elle en train de présager la mort de Jésus ? C’est possible.

On peut penser aussi à l’onction royale, comme le pratiquaient les prophètes pour désigner les futurs rois. Par son geste, la femme oint Jésus Christ. C’est étonnant, car Jésus est déjà oint. Puisque c’est le Christ. Le mot christ veut justement dire oint en grec. La femme a oint l’oint. (l’expression n’est pas très heureuse)

Comment comprendre ce geste ? Il signifie que Jésus est le messie, le futur roi des juifs. Non pas le roi de gloire, mais le roi qui va mourir sur la croix. La femme oint un roi, non pas avec de l’huile, comme cela se faisait normalement, mais avec le parfum de l’embaumement. Cette femme accomplit un geste prophétique. Pendant ce temps là, Simon le pharisien murmure dans sa barbe que Jésus n’est pas prophète, et que cette femme n’est qu’une prostituée. Il a tout faux, elle a tout juste.

Le parfum a aussi pour caractéristique de se répandre dans l’air et de remplir toute la pièce. Le parfum se répand alentour et se communique à tous ceux qui ne comprennent ni par les paroles, ni par les yeux, mais par l’odorat. C’est un témoignage olfactif qui touche en profondeur. Nous l’avons évoqué il y a quelques mois lors des cultes sur les cinq sens. Oui, on peut témoigner par le parfum. Comme le dit Paul de manière allégorique dans sa 2ème lettre aux Corinthiens : « Grâce soit rendue à Dieu, qui nous entraine toujours dans sa victoire, dans le Christ, et qui, par nous, répand en tout lieu le parfum de sa connaissance ». (2 Cor 2. 14)

Des larmes au parfum

Pour finir, on peut se demander quelle relation il peut y avoir entre les larmes de la repentance, et le parfum du témoignage.

Entre les deux, il y a une étape très importante, c’est l’expérience d’avoir été pardonné, gracié, aimé par Dieu. Il ne faut pas la sauter cette étape. Elle est le plus souvent secrète, personnelle, intime, mais absolument nécessaire dans la vie du croyant.

Les Pères du désert, qui méditaient nuit et jour sur l’âme humaine, rapportent ce phénomène étonnant que parfois les larmes de tristesse se transforment en larmes de joie. Je cite l’un d’entre eux, Jean Climaque, qui vivait au 7ème siècle, et qui s’était retiré au pied du Mont Sinaï: « il y a des jours où nos larmes se mettent à couler toutes seules, d’une douceur telle que nous en sommes tout attendris et pacifiés ». Un phénomène aussi merveilleux ne peut avoir qu’une seule explication : ces larmes-là sont provoquées par Dieu et elles attestent qu’il nous a visités de sa propre initiative, même si nous ne l’avons pas prié !

Un jour un pèlerin rend visite à Jean Climaque et lui demande : Père, j’ai demandé pardon à Dieu pour mes péchés. Mais comment puis-je savoir que Dieu m’a effectivement pardonné ? Et le Père de répondre : je sais que je suis pardonné lorsque mes larmes amères deviennent douces.

Seul Dieu peut transformer l’aigre en doux, comme à Mara, où le peuple d’Israël au désert s’était arrêté pour boire car il avait très soif. Dieu a transformé l’eau amère en eau douce.

C’est alors qu’après les larmes, et parfois même au milieu des larmes, nous sentons monter en nous une joie profonde et paisible, et que nous pouvons témoigner au monde combien le Seigneur est bon.

C’est alors que nous pouvons répandre comme un parfum, la bonne odeur du Dieu de Jésus Christ.

Amen

dimanche 27 juin 2010

Vous êtes le Corps du Christ





Lecture : I Corinthiens 12. 12-27

Prédication donnée à Reims le 27 juin 2010 à l'occasion de la journée internationale de l' ACAT, Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture.


Corps du Christ n'est pas corporatisme

Vous êtes le corps du Christ, dit l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe. Sommes-nous aujourd’hui, frères et sœurs, le corps du Christ ? Qu’est-ce que cela veut dire ? qu’est-ce que cela implique ?

De prime abord l’idée de faire partie d’un corps évoque les grands corps de l’Etat. Le corps des ingénieurs des Mines, par exemple. J’imagine une conversation du genre : « Bonjour. Au fait, tu es du corps des Ponts et Chaussées ?

- C’est exact, répond l’autre.

- Ah, félicitations. Moi, je suis du corps du Christ ! »

Il y a corps et corps. Le corps du Christ, qui désigne l’Eglise, n’est pas une élite. Il n’y a pas de concours hyper sélectif à réussir pour y entrer. Les grands corps de l’Etat, les corporations, le corporatisme… tous ces mots sont bien construits sur le mot corps, mais il ne faudrait pas en déduire que l’Eglise est une corporation, n’ayant pour vocation que la défense de ses intérêts dans la société… même si hélas, cela a été le cas à certaines périodes peu reluisantes de son histoire.

La vocation de l’Eglise n’est pas d’être le corps du Christ pour lui-même, mais d’être le corps du Christ pour le monde entier. Car le Christ n’est pas mort et ressuscité pour les seuls chrétiens, mais pour toute l’humanité. Nous sommes le corps du Christ implique que notre mission n’est pas tournée vers l’intérieur, mais vers l’extérieur.

Unité dans la diversité

Mais pour rayonner vers l’extérieur, il faut d’abord être uni à l’intérieur.

L’Eglise de Corinthe à laquelle s’adresse Paul connaissait des schismes et des divisions internes. C’est pourquoi Paul insiste sur la nécessité d’être uni. Tout en sachant que les membres de cette communauté ont des origines, des cultures et des charismes extrêmement variés. C’est l’unité dans la diversité.

Alors Paul utilise une image qui circulait déjà dans la littérature de son époque, et qui apparaît dans l’Histoire Romaine de Tite Live et plus proche de nous, dans les fables de La Fontaine.


La fable des membres et de l’estomac. Les bras et les jambes décident de se mettre au chômage, et de ne plus fournir d’aliment à l’estomac, qui se trouve contraint au chômage technique. Les mutins s’aperçoivent un jour qu’il n’ont plus de force et comprennent qu’ils ne peuvent se passer de l’estomac pour vivre. Dans un corps, chacun des membres est solidaire des autres, chacun a besoin de l’autre et les bras ne peuvent pas dire à l’estomac : je n’ai pas besoin de toi.

Si une partie du corps souffre, c’est tout le corps qui souffre. C’est évidemment ce qui se produit en nous à chaque fois que nous nous blessons au pied ou que nous avons une crise de foie. Paul le dit avec justesse : si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie.

C’est exactement comme cela que l’ACAT voit sa mission : lorsqu’un prisonnier est torturé au fond d’une cellule de Colombie ou de Chine, c’est toute l’humanité qui devrait souffrir.

Et si l’humanité ne manifeste qu’indifférence à l’égard des torturés ou des exclus, il faut bien que quelques hommes de bonne volonté se lèvent pour exprimer leur indignation, et leur compassion, et fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour libérer les prisonniers politiques et faire cesser les traitements indignes.

Et lorsqu’une personne, par le biais de la pression des signataires de pétition et de l’opinion internationale, finit par être libérée, alors c’est la joie. Et tous devraient se réjouir comme un seul homme.

les frontières du Corps nous échappent

Vous allez me dire : mais ces prisonniers et ces torturés ne sont pas nécessairement des chrétiens, ils ne sont pas membres de l’Eglise !

Evidemment. L’ACAT n’agit pas seulement pour les chrétiens. Elle agit pour tous les hommes, sans distinction de religion ou d’opinion. En effet ces personnes qui souffrent ne font-ils pas partie aussi du corps du Christ ? Ce n’est pas le certificat de baptême qui fixe la limite du corps du Christ. Pour le Christ, il n’y a pas de limite qui compte. Le corps du Christ s’étend, ou a la vocation de s’étendre, à toute l’humanité. Les frontières de l’Eglise, corps du Christ, échappent à notre entendement. L’homme blessé sur le trottoir que vous remettez debout, il fait partie du corps du Christ. Mère Teresa disait : quand je vois par terre dans une rue de Calcutta, un homme décharné et que je le prends dans mes bras, c’est Jésus Christ lui-même que je porte.

Laurent Schlumberger, le nouveau Président du Conseil national de l’ERF, a fait une déclaration d’ouverture du Synode qui est claire sur la mission de l’Eglise, corps du Christ. Son message est intitulé : l’Eglise au-delà de l’Eglise. Il y voit un paradoxe : l’Eglise est appelée hors d’elle-même - c’est d’ailleurs la signification du mot église. Elle n’est jamais tant à sa place que lorsqu’elle est sur son propre seuil, jamais tant au cœur de sa raison d’être que lorsqu’elle sert Dieu et les hommes. Et il ajoute : c’est précisément au moment où elle se trouve ainsi dépréoccupée d’elle-même qu’elle réalise sa vocation.

Nous sommes aux antipodes du corporatisme.

Les trois missions de l'Eglise

A propos du rapprochement des Eglises Réformées et Luthériennes, Laurent Schlumberger a rappelé les trois principales missions de l’Eglise : prier, annoncer l’Evangile, servir les hommes. On peut le dire autrement : le culte, le témoignage et la diaconie.

Chacune des trois dimensions de l’Eglise est importante, et il ne faut pas privilégier l’une et délaisser l’autre. C’est comme les trois pieds d’un tabouret. Si l’un des pieds flanche, c’est le tabouret qui s’écroule. Prier, témoigner, servir. D’ailleurs, ces trois aspects existent dans les activités de l’ACAT, avec un accent particulier sur le service du prochain en difficulté, et la prière. Cette dernière est au cœur de toutes nos activités d’Eglise, car la prière est la respiration du chrétien. Et si le corps cesse de respirer, il s’étouffe et se désarticule, ou se recroqueville sur lui-même.

Amen

mardi 1 juin 2010

Sagesse ou folie ?









Culte du 30 mai à Reims

Lectures bibliques : Proverbes 8 v. 22-36 ; Rom 5 vv. 1-11

Prédicateur : Le 1er texte que nous avons lu et qui est commun avec nos frères catholiques, fait l’éloge de la sagesse.

« Heureux celui qui m’écoute, dit la sagesse, celui qui me trouve trouve la vie. »

Qui est contre la sagesse ?

Si la sagesse est l’art de se comporter en société selon les valeurs de la justice, du respect d’autrui et de la paix, qui peut s’y opposer ?

Des sagesses, il y en a autant que de cultures. Tenez par exemple un petit livret que j’ai trouvé à la librairie près du comptoir : « sagesse hindoue » : « l’argent ne satisfait pas plus l’avidité que l’eau salée ne désaltère la soif. »

Moïse, avec ses dix commandements, avait déjà enseigné la sagesse il y a 3.000 ans.

Jésus aussi : « ne jugez pas et vous ne serez pas jugés …pourquoi regardes-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi ? » (Marc 6. 37-41) C’est le passage qu’a choisi Matthieu Tanon pour sa confirmation dimanche dernier.


Si les hommes plutôt que de courir après la richesse, le pouvoir ou d’autres idoles, intégraient davantage les préceptes de la sagesse, la terre ne serait-elle pas plus vivable ? N’y aurait-il pas moins de victimes innocentes, moins de violences, moins de guerre ?

Objection : Vous faites des beaux discours ! Vous nous enseignez la sagesse, vous transmettez les enseignements des grands hommes, Moïse, Jésus, vous pourriez rajouter Socrate, Bouddha, Gandhi et Comte Sponville… mais avec quels résultats, je vous demande ?

Regardez le monde : est-il plus sage qu’il y a 2.000 ans ? En vain tous les discours des sages ! en vain les belles paroles ! tout cela n’a pas empêché l’humanité de s’entretuer dans des guerres fratricides, ni les plus forts d’exploiter les plus faibles !

Prenons par exemple la parole de la Bible qui résume tout : tu aimeras ton prochain comme toi-même…Jésus l’a répété… mais en vain ! qui a pris au sérieux ce commandement ? Peut-être qu’une infime minorité d’hommes et de femmes ont appliqué vraiment ce commandement, et ils sont dignes d’admiration… mais cela reste une minorité.

Alors je vous demande, monsieur, comment s’y prendre pour que le monde change ? Pour que la majorité des hommes deviennent ne serait-ce qu’un tout petit peu plus altruistes et moins égoïstes ?

Si tous les hommes, au lieu de passer leur temps à servir leurs propres intérêts, consacraient 10% de leur temps à servir l’intérêt d’autrui, tout pourrait changer sur cette terre… mais comment les convaincre ?

Comment leur faire prendre conscience que l’amour désintéressé est la clé du bonheur pour tous ?

Moi, je ne sais pas. Et vous ?

Prédicateur : Moi non plus. Je ne suis ni un savant ni un sage. Mais il m’arrive de trouver des pistes de solution dans la Bible. Regardons le 2ème passage de ce jour.

L’apôtre Paul commence par cette expression qui fonde notre foi : « Etant justifié en vertu de la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. »

Etant justifié aux yeux de Dieu : il faut comprendre par là que Dieu nous considère comme justes, alors que nous sommes pécheurs. On pourrait le dire autrement : Dieu est prêt à nous pardonner, alors que nous l’avons offensé.

Une petite histoire

Je vais illustrer ceci par une petite histoire :

Il était une fois un homme, la cinquantaine, marié, deux enfants qui depuis une semaine ne trouvait plus le sommeil. Car voilà, il a renversé une dame âgée à un carrefour. Non seulement il ne dormait plus, il ne pouvait plus se regarder dans la glace, mais il avait déclaré à sa femme, en lui tendant les clés de sa voiture : prends les clés, chérie, je ne suis pas digne de toucher le volant.

Voilà comment cela s‘est passé : un camion était à l’arrêt juste devant le rond-point. L’homme s’approche avec sa voiture à vitesse modérée, double le camion, et vlan !, il heurte une dame qui traversait juste à ce moment là. Traumatisme, fracture du bassin, un mois d’hospitalisation.

Sur le conseil de sa femme, l’homme qui ne dormait plus , va rendre visite à la dame à l’hôpital. A peine entré dans sa chambre il reçoit une salutation amicale : « bonjour, monsieur, je vous reconnais. Pourquoi venez-vous me voir ? et sans attendre la réponse, elle ajoute : est-ce pour vous faire pardonner ? L’homme fait oui de la tête. Alors je vous pardonne entièrement, monsieur, je ne vous en veux pas le moins du monde ! »

Imaginez le soulagement extraordinaire qu’a pu ressentir cet homme. Tout en larmes, il l’a embrassée et est rentré chez lui. Il n’a pas tardé à retrouver le sommeil… et le volant.

Et depuis ce jour il n’a jamais été aussi prudent et vigilant sur la route.

Cette dame lui a fait un don extraordinaire : plus qu’un don, un par-don, qui est le don parfait. Il a reçu un immense cadeau qu’il se croyait indigne de recevoir. En langage d’Eglise, cela s’appelle une grâce imméritée.

Je crois que c’est exactement cela que l’apôtre Paul veut faire passer comme message, quand il dit : (v. 8) « Le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs »

Objection : Qu’est-ce que cela veut dire ? J’entends souvent cette phrase dans les cultes, ou dans les paroles de nos cantiques, mais je finis par ne plus y faire attention. Que Jésus Christ soit mort il y a 2000 ans, cela je le comprends bien, c’est un fait. Mais qu’il soit mort pour nous aujourd’hui, voilà qui n’est pas très logique.

L’étudiant chinois qui est mort sur la place Tien an Men devant les chars de Mao, il est mort pour une bonne cause.

C’est un héros. Je comprends le sens de son geste. De même les français morts au combat pour libérer la France en 14-18 ou en 39-45, sans oublier les alliés dont nous voyons les croix dans les cimetières aux alentours. Les héros, comme je vous disais déjà, nous les admirons, mais qu’est-ce que cela change vraiment pour nous ? Est-ce que cela nous rend meilleurs ?

Prédicateur : Avec Jésus Christ, c’est différent. Ce n’est pas un héros comme les autres. Si l’on en croit l’apôtre Paul, la mort de Jésus a une portée bien plus considérable que la mort de tous les héros qui sont morts pour une bonne cause. Pourquoi ? parce que la mort de Jésus pour nous est la preuve de l’infini amour de Dieu pour l’humanité. Ce qui n’est pas le cas de l’étudiant chinois ou des morts pour la France.

Paul explique en effet que l’homme le plus courageux est capable de mourir pour une bonne cause, ou par fidélité à l’égard d’un grand homme. Je pense par exemple à ceux qui ont répondu à l’appel du General de Gaulle et qui ont risqué leur vie pour une France libre. Mais Dieu surpasse l’homme le plus courageux, car il a donné son fils non pas pour des hommes bons et grands, mais pour des hommes pécheurs. C’est dire à quel point Dieu nous aime !

Objection : Bon, admettons que Dieu ait manifesté un grand amour pour nous en envoyant son fils Jésus Christ et le laissant mourir pour nous. Admettons. Mais je vous demande : en quoi ce geste d’amour de Dieu à notre égard est-il la clé du problème ? En quoi cela pourrait-il rendre l’humanité plus sage ? les hommes plus altruistes ?

Predicateur : C’est cela la bonne question. Vous avez mis le doigt sur le chainon manquant. C’est par ce chainon que toute la chaine du bien peut se mettre à tirer le monde vers le bien et vers le haut. Vous retirez le chainon, et le monde retombe inexorablement vers le bas, vers le fond, vers le mal.

C’est le chainon de l’amour donné et reçu. Ou le pardon donné et reçu. Regardez l’homme qui a renversé une vieille dame au carrefour. Tant qu’il n’avait pas reçu le pardon, il était comme paralysé, esclave d’un sentiment de culpabilité et de mort, et incapable de faire le bien autour de lui.

Tant que l’amour n’est pas reçu, rien ne peut changer.

Prenons un autre exemple : c’est comme l’enfant qu’une famille a l’intention d’ adopter. Un enfant qui a manqué d’amour étant petit. Il ne pourra jamais grandir. Mais que la famille l’adopte et lui donne de l’affection, de la sécurité, de la chaleur et de l’amour, et le voilà qu’il s’épanouit et grandit !

Ce n’est pas en lui faisant des discours de sagesse que cet enfant va s’épanouir, mais en lui prodiguant d’abord de l’amour. C’est vrai pour tous les enfants du monde, adoptés ou non. L’amour des parents vient en premier. La sagesse transmise par l’éducation vient après. Vis-à-vis de Dieu, nous en sommes encore au stade de la petite enfance. Nous sommes comme des enfants qui n’ont pas reçu l’amour initial venant de Dieu. Dieu nous l’a donné, mais nous ne l’avons pas encore reçu, pas encore intégré.

Nos théologiens et philosophes ont écrit des tonnes de livres sur Dieu, sur Jésus Christ, la religion et la foi, mais cela ne nous fait pas avancer d’un millimètre sur le chemin de l’amour.

Objecteur : Pas d‘un m/m ?

Prédicateur : pas d’un m/m ! Ce n’est pas les discours de sagesse qui rend plus altruiste, c’est l’amour reçu au plus profond de notre être, et l’exemple de ceux qui nous éduquent.

Si nous ressentons un jour, au fond de notre être, (le mot ressentir n’est pas approprié, car ce n’est pas une question de sentiment, c’est plus profond), que Dieu s’est donné pour nous, par pure bonté, en donnant son fils… alors quelque chose change en nous, qu’aucun discours de sagesse ne peut changer. Un peu comme une personne qui a failli mourir d’un accident ou d’une maladie grave, et s’en est tiré de justesse. Il y a quelque chose qui a changé en elle.

C’est comme si Dieu, qui a créé le ciel et la terre, qui sait tout et qui voit tout, nous murmure à l’oreille en disant : « je te connais toi, je sais tout ce que tu as fait de bien et de mal, mais je t’aime à la folie. La preuve, c’est que j’ai donné mon fils pour toute l’humanité, donc pour toi aussi. »

Objecteur : Vous avez dit : Dieu nous aime à la folie ?

Prédicateur : Oui, Dieu nous aime à la folie. Sa sagesse est comme une folie aux yeux des savants et des sages. Qui aurait pu imaginer la croix comme lieu où le fils de Dieu aurait fini ses jours sur terre ? Folie pour les hommes que la sagesse de Dieu !

Dans l’épître aux Corinthiens, Paul le dit mieux que moi , et je terminerai par ces paroles :

« En effet, prêcher la mort du Christ sur la croix est une folie pour ceux qui se perdent, mais nous qui sommes sur la voie du salut, nous y discernons la puissance de Dieu….ainsi Dieu a décidé de sauver ceux qui croient grâce à cette prédication apparemment folle de la croix. Les Juifs demandent comme preuves des miracles, et les Grecs recherchent la sagesse. Quand à nous, nous prêchons le Christ crucifié : scandale pour les Juifs, et folie pour les grecs. » (I Cor. 1. 18-23

Amen

jeudi 20 mai 2010

Attendre le Saint Esprit ou le retour du Christ ?



Prédication donnée à Reims le 16 mai 2010

Lectures bibliques : Jean 14. 15-19 et Matthieu 24. 29-36

Il y a attente et attente

Les deux textes que nous avons entendus nous parlent d’attente. Celui de Jean nous dit d’attendre la venue de l’Esprit Saint. Celui de Matthieu, d’attendre le retour de Jésus Christ à la fin des temps. Dans les deux cas il s’agit d’une attente.

Dans le premier texte, Jésus dit à ses disciples : « je demanderai au Père de vous donner un autre défenseur pour qu’il soit avec vous pour toujours »

Ce défenseur s’appelle l’Esprit Saint, qui viendra effectivement le jour de la Pentecôte sous forme de langues de feu. Elles se sont posées chacune sur la tête des disciples, qui ont commencé à annoncer la bonne nouvelle de Jésus Christ à tous ceux qui les entouraient à Jérusalem.

Entre l’Ascension et la Pentecôte, les disciples sont dans l’attente. Ils sont en état de manque, car leur maître les a quittés. Ils sont orphelins de Jésus. « je ne vous laisserai pas orphelins ; je viens à vous leur avait-il promis. » Mais depuis la Pentecôte, et depuis notre baptême, nous savons que nous ne sommes pas orphelins, ni de Jésus Christ, ni de Dieu.

Notre soeur Flavie qui a été baptisée ce matin en a témoigné par son geste et par ses paroles. Dieu est là par l’Esprit.

Le 2ème texte , celui de Matthieu, parle d’une autre attente, d’une autre venue, celle de Jésus Christ à la fin des temps.

Juste avant la fin : la nuit

Que va-t-il se passer à la fin des temps ? Voilà qui nous laisse perplexes. Cette histoire de fin des temps soulève toutes sortes de questions plus ou moins oiseuses et sans réponse. Les savants nous disent que la vie sur terre connaîtra une fin certaine, dans quelques milliards d’années, par l’explosion du soleil. Mais il est fort probable que l’humanité se sera auto-détruite entre temps, ou se sera en partie transportée par fusée ultra-rapide dans d’autres systèmes solaires. Nous sommes dans la pure fiction, la pure élucubration.

La Bible, qui n’a aucune prétention scientifique, nous annonce une fin du monde caractérisée par des signes avant-coureurs : le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel. Ce sont de signes cosmiques qui ont une signification spirituelle : nous serons dans la nuit. Et c’est au plus profond de notre obscurité que Jésus Christ surgira. Jésus Christ qui est lumière viendra du milieu de la nuit pour rétablir une lumière éternelle sur toute chose.

Cela signifie en clair que la nuit n’aura pas le dernier mot.

Inutile de s'agiter

Ne cherchez pas à savoir quand cela se produira… personne ne le sait, pas même Jésus ! Ne prêtez aucune attention aux faux prophètes et autres Nostradamus Charlatanus qui proclament périodiquement la fin du monde. Mais retenez deux choses :

- nous attendons le retour de Jésus Christ

- nous ne savons pas quand il viendra.

Il est donc inutile de s’agiter. C’est ce que nous dit la parabole du figuier.

Observez le figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que les feuilles poussent, vous savez que l’été est proche. Autrement dit, tant que vous ne voyez pas ces signes, n’allez pas imaginer que le printemps arrive. Ne rêvez pas. Pas d’agitation avant que n’apparaissent les signes irrécusables de la fin.

Dans la tradition juive, le figuier symbolise les Ecritures Saintes. Pour comprendre les signes des temps et ce que Dieu prépare pour le monde, il ne faut pas trop se fier à tout ce que prédisent les soit-disant savants – d’ailleurs un vrai savant, un vrai scientifique n’a pas la prétention de prédire l’avenir – mais il est préférable de s’imprégner de la Parole de Dieu.


Et la Parole de Dieu nous dit en l’occurrence : soyez dans l’attente du retour du Christ, mais ne vous agitez pas en vain.

Agir et rester veilleur

Restez vigilants comme le guetteur qui attend le retour du roi. Restez éveillés et pleins d’espérance comme la femme du pêcheur qui attend le retour de son mari parti en mer.

Scrutez l’horizon comme le Père qui attend le retour du fils prodigue.

L’attente du retour du Christ ne doit en rien nous inquiéter, ou changer nos modes de vie, il doit seulement inscrire au fond de notre cœur une espérance paisible… l’antidote de la peur quand tout semble se dégrader autour de nous, l’antidote de la sinistrose quand on nous annonce un plan de rigueur et le gel de toutes les dépenses de l’Etat, l’antidote de la désespérance quand l’avenir semble bouché.

Ce qui n’empêche pas d’agir de manière utile, comme Luther à qui on a demandé : que ferez-vous, maître, si vous saviez qu’aujourd’hui est votre dernier jour ? « j’irai planter un pommier » a-t-il tranquillement répondu.

Chaque jour : s'attendre à l'inattendu

L’attente du retour du Christ est un état d’esprit difficile à décrire. C’est un peu comme si un beau matin, au lever du jour, une petite voix intérieure nous disait : « aujourd’hui, tu auras une bonne surprise. Une rencontre peut-être, un sourire, un signe dont tu te souviendras plus tard, et qui sera une petite pierre blanche sur ton chemin ».

Alors notre cœur et notre esprit est tout le jour dans l’attente de l’inattendu. A tout moment la porte peut s’ouvrir, et l’imprévisible arriver. Comme dans les récits de Pâques où le ressuscité surgit par surprise. N’importe quand. N’importe où. Ou bien dans le récit de la Pentecôte avec ses petites flammes insaisissables de l’Esprit de Dieu, Nous ne les saisissons pas, c’est elles nous saisissent.

Alors chaque instant de notre vie quotidienne prend une valeur nouvelle. Parce qu’à chaque instant l’Esprit de Dieu peut surgir et nous faire signe. Derrière chaque rencontre. Dans le sourire d’un bonheur ou la blessure d’un échec. Le Dieu qui s’en va est aussi le Dieu qui vient. Toujours à-venir. Toujours autre que ce que nous pensions. Chaque instant – l’instant même que nous vivons ici, peut devenir l’instant de cette rencontre.

L’attente de la Pentecôte ou l’attente du retour du Christ ont finalement la même couleur : elle est synonyme de disponibilité, d’espérance et d’ouverture à la fois.

Aucune situation n’est sans issue, contrairement à ce que pensent ceux qui veulent mettre fin à leur jour. La vie peut ressurgir, quand bien même elle serait en débris.

Même si l’obscurité s’étend sur le monde, nous espérons la lumière du Christ.

Car la nuit n’aura pas le dernier mot.

Amen

dimanche 16 mai 2010

Souffle sur ces os







Prédication donnée à Reims le 2 mai 2010. Puis à Chalons le 9 mai

Lecture biblique : Ezechiel 37. 1-12

Comprendre ce texte difficile

Le texte que nous avons entendu a de quoi nous donner des frissons dans le dos.
Le prophète déambule au milieu des ossements desséchés, qui s’entassent , innombrables, dans la plaine dévastée.
Les mots hébreux utilisés au v.2 suggèrent que le prophète doit littéralement escalader les ossements entassés pour se frayer un chemin.
Le lecteur est emporté avec le prophète dans sa marche, comme dans les vidéos en 3D, afin de vivre une scène digne des films d’épouvante.
Lorsque sur ordre de Dieu Ezéchiel prophétise sur ces ossements, nous assistons avec force bruitages et effets spéciaux, à la reconstitution par étapes d’êtres vivants.

Mettons à part l’aspect un peu macabre de cette vision, et demandons-nous quelle signification elle peut bien avoir. Quel sens lui donner aujourd’hui ?

Le contexte de l’exil

Examinons d’abord le contexte historique : quand Ezéchiel a eu cette vision, le peuple était en exil à Babylone. Le prophète lui-même était au milieu du peuple ; il regardait alentour et il voyait des hommes et des femmes au cœur desséché, ayant perdu tout espoir de revenir au pays. La plaine dévastée, ce sont ses contemporains. Les os, c’est leur âme, leur être intérieur, qui s’est endurci, qui a desséché, et a perdu toute vitalité. Le ressort est brisé, dirions-nous aujourd’hui.

Alors Dieu inspire le prophète pour qu’il proclame une extraordinaire bonne nouvelle : le peuple retournera au pays, il rebâtira le Temple et Dieu sera au milieu d’eux. En un mot, ils revivront. Cette vision est d’abord pour le peuple d’Israël, meurtri et abattu par 50 ans d’exil.

La mort n’aura pas le dernier mot

Mais ce texte n’est pas pour le peuple seulement, il est pour toute l’humanité. Les Pères de l’Eglise y ont vu l’annonce de la résurrection des morts à la fin des temps. Au son de la dernière trompette, tous les morts sortiront de leurs tombeaux et se rassembleront, innombrables, autour du Dieu vivant. Cette interprétation a du bon, car elle nous remplit d’espérance. La mort n’aura pas le dernier mot dans l’histoire de l’humanité.

Le rôle de prophète

Mais si nous regardons le texte de plus près, nous pouvons y trouver une autre interprétation, qui part de la question : quel est le rôle du prophète ? Comment Dieu agit-il à travers le prophète ?
Dans ce texte, il est clair que le prophète a un rôle déterminant. Son intervention se déroule en deux étapes : l’observation et l’action.

Observer en étant dedans

Tout d’abord il regarde en déambulant parmi les ossements desséchés - entendez, au milieu de ses contemporains au cœur desséché. Il marche, il regarde, il observe longuement ces êtres sans vie.
L’image habituelle qu’on a du prophète, c’est un homme qui monte sur une hauteur, ne serait-ce qu’un escabeau, et proclame à la foule qui l’entoure une parole forte venant de Dieu. Mais c’est d’abord un homme qui regarde la misère du monde, qui déambule parmi les exclus, les malades, les sans papiers, les sans abris. Mais aussi parmi ceux qui n’ont plus d’espérance, qui ne sont pas nécessairement les plus pauvres d’ailleurs. Le prophète d’aujourd’hui observe la sécheresse spirituelle de la plupart de nos contemporains, surtout dans les pays dits développés. Et il en est frappé, obsédé, tourmenté.
Et face à cette sécheresse, l’homme-prophète avoue son impuissance, comme Ezéchiel à qui Dieu demande : « fils d’homme, ces ossements revivront-ils ? « et lui de répondre « Toi, mon Dieu, tu le sais. »

Voilà donc une première caractéristique de l’homme-prophète : il regarde impuissant la vie se retirer de l’âme de ses contemporains. Il ne se retire pas du monde en l’observant de loin, il en fait partie, il est en plein dedans. Et il est peut-être un des rares observateurs à « voir » ce qui se passe (« voir » entre guillemets), à en être profondément touché et tourmenté.

Parler aux ossements

La 2ème étape, c’est la proclamation. « parle aux ossements » lui ordonne le Seigneur. Parle à tes contemporains, même s’ils ne sont pas en état d’entendre.
Avez-vous vu des ossements qui entendent ?
Le prophète ne fait pas du marketing, il ne va pas faire un tri entre ses interlocuteurs pour ne s’adresser qu’à ceux qui sont susceptibles de l’entendre et le comprendre. Il ne fait pas le tri entre les croyants et les incroyants. Il s’adresse à tous, cœur de pierre et cœur de chair, indifféremment. Et c’est le souffle de Dieu qui passera à travers lui, le tri se fera tout seul si je puis dire, mystérieusement.
Ce souffle n’est autre que l’Esprit Saint, qui a seul la capacité de mettre la vie là où il y a la mort, l’espérance là où il y a le désespoir, le désir de Dieu là où il y a l’autosuffisance.

La collaboration entre l’homme et Dieu

« Viens des quatre vents, dit le prophète, viens, Esprit, souffle sur ces morts, et qu’ils vivent ! »
Il y a comme une synergie, une coopération, entre Dieu et le prophète, une répartition des rôles : Dieu n’agit plus seul comme il l’avait fait au temps de la Génèse pour créer Adam à partir de la poussière, en le modelant et lui insufflant la vie en soufflant dans ses narines, Dieu agit par l’intermédiaire des hommes.

Tous prophètes ?

Ces hommes, c’est qui ? c’est vous, c’est moi. Le rôle de prophète n’est pas réservé à quelques héros-martyrs comme Bonhoeffer ou Martin Luther King. Il concerne tous les témoins qui veulent bien partager leur foi. Du ministère de prophète au ministère de témoins dans l’Eglise, n’ya-t-il pas continuité ?
Certes, nous ne sommes pas tous « appelés » à être prophètes dans l’Eglise, mais nous avons tous quelque chose à partager avec ceux que nous fréquentons : ne serait-ce que notre confiance en Dieu.
Face à celui qui désespère, n’avons-nous pas, de la part de Dieu, une parole d’espérance à prononcer ? face à l’affligé, une parole de consolation ? Face à celui qui se sent aimé de personne, n’avons-nous pas à lui dire : « il y en a un là haut qui te connaît par ton nom et te veut du bien » - comme nous l’avons entendu tout à l’heure pour la petite Agathe qui a reçu le baptême ?
Au fond, c’est cela aussi être prophète, ne pas garder pour soi le trésor que Dieu nous a confié. Oser le partager en Eglise avec nos frères et sœurs dans la foi, oser aussi le partager avec les collègues de travail, ce qui est déjà plus difficile, je sais. Avec les voisins, amis et membres de la famille.

Prophètes impuissants

Et nous le faisons tout en nous reconnaissant impuissants. Combien pèsent nos arguments pour convaincre ? Devant celui qui vient de perdre un être cher, que peuvent bien faire nos paroles de consolation ?
Oui, comme Ezechiel, nous nous savons impuissants à produire par nous-mêmes l’espérance, la paix et la consolation désirée.

Pourtant Dieu compte sur nous. C’est avec nous, les baptisés, les témoins au jour le jour,
qui déambulons quotidiennement dans la vallée desséchée,
c’est avec nous que Dieu soufflera sur les braises de la vie,
et produira l’espérance, la paix et la consolation,
dont le monde a tant besoin.

Amen

mercredi 14 avril 2010

Le ministère diaconal

Lecture : Actes 6. 1-6


Méditation

Les douze apôtres étaient débordés par les tâches à accomplir, ils ne pouvaient à la fois s’occuper de l’annonce de la bonne nouvelle, de la prière, du service liturgique et du soutien dû aux plus démunis, en particulier les veuves. C’est pourquoi ils choisirent sept diacres à qui ils confièrent le soutien aux veuves et le service liturgique, en particulier le service des tables. Ainsi est né le ministère diaconal. En grec diakonos veut dire serviteur. C’est intéressant de voir que la diaconie et le service des tables sont étroitement associés. Le service des tables correspond à l’eucharistie aujourd’hui, (que les protestants appellent la cène).

A l’époque des premières communautés chrétiennes, il s’agissait de véritables agapes fraternelles. Tout le monde venait manger autour de la table, les riches et les pauvres, les hébraïsants et les hellénisants. Cette cohabitation autour d’une même table avait quelque chose de révolutionnaire : car jamais ces différentes catégories de personnes n’avaient l’habitude de partager ensemble le repas. Cela s’appelle la commensalité. C’est une expérience marquante pour tout le monde que de partager la même table avec un autre qui est différent. Jésus était critiqué pour avoir mangé avec les gens de mauvaise vie.

Il y a donc un lien très étroit entre le partage du pain et du vin de la cène et la diaconie, en ce sens que les riches se rendent proches des pauvres, les français des étrangers, les personnes éduquées de celles qui n’ont aucune éducation.

Cette proximité n’est possible que grâce à l’appel du Christ de partager le pain et le vin en mémoire de sa mort et de sa résurrection. Jesus est mort et ressuscité, pas seulement pour que chacun soit sauvé, mais aussi pour que tout ce qui fait obstacle à la réconciliation entre les hommes soit un jour levé.

Quand un membre d’Eglise s’engage dans la diaconie, il se rend proche de l’autre qui est différent. Il ne s’agit pas seulement de donner un peu d’argent à une association caritative, ou des vêtements à une braderie, il s’agit de rentrer en relation avec l’étranger, avec le sdf, avec le blessé de la vie.

Entrer en relation comme doivent le faire des frères en Christ, avec un esprit de bienveillance et de réciprocité dans le partage. Il s’agit de regarder l’autre comme l’a fait Jésus quand il allait chez les hommes et les femmes de toutes conditions, y compris les plus exclus et les plus méprisés de la ville : les regarder avec bienveillance et simplicité de cœur. Car mon prochain est lui aussi enfant béni du Père.

Prière

Seigneur tu vois combien la tâche est immense pour le ministère de diaconie à laquelle tu appelles ton Eglise. Que de misère autour de nous ! L’Eglise n’est heureusement pas la seule à combattre les fléaux sociaux, mais comment prêcher l’Evangile et ne pas venir au secours de notre frère qui meurt de faim à notre porte ? Seigneur, veuille susciter des artisans de justice et de paix dans le monde, et que ton Eglise ne cesse de donner l’exemple. Que notre façon d’agir soit sans cesse modelée sur celle de Jésus Christ, qui n’a pas épargné son temps ni sa personne pour soulager, guérir, encourager et consoler.

Si le ministère diaconal est parfois lourd à assumer, tant les souffrances sont grandes, nous savons que toi, Seigneur, tu est à nos côtés pour porter le fardeau. Nous pouvons même te remettre ce fardeau dans la prière, car tu as dit : venez à moi, vous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai le repos.

Accorde-nous Seigneur à la fois le zèle de l’Evangile et l’élan de la visite, la joie de te louer et le souci de servir, l’ardeur de la prière et la disponibilité pour agir dans le monde.

Amen

Le ministère de prophète



Lecture : Ezechiel 2 . 1- 10 et 3. 1-3


Méditation

Ezechiel n’a pas choisi d’être prophète. C’est Dieu qui l’a choisi pour être prophète c’est-à-dire pour parler aux hommes de la part de Dieu. Mais ce que Dieu avait à dire à son peuple n’était pas des paroles à l’eau de rose, c’était des réprimandes et des menaces, des paroles dures à entendre, dures à mettre en pratique.

Ainsi le prophète est celui qui transmet une parole de Dieu aux hommes, même si cette parole est dure à entendre. Au temps d’Ezechiel, le peuple avait oublié l’alliance avec Dieu et adorait les idoles de pierre et de bois. Ils avaient besoin d’un électrochoc pour se ressaisir, et revenir au Dieu de l’alliance. Ezechiel était le canal de l’électrochoc divin.

Cette image du prophète semble être d’un autre temps, totalement hors de propos aujourd’hui. Aujourd’hui, celui qui parle au nom de Dieu ne risque pas la persécution, en tout cas dans notre société occidentale, mais il risque d’être tourné en dérision, pris pour un illuminé, ou accueilli par un haussement d’épaule. Etre prophète n’est pas une sinécure, surtout quand les interlocuteurs sont fermés à toute parole venant de Dieu. Or notre société n’est-elle pas dans cette situation ?

Etre prophète, ce n’est pas un choix personnel, c’est un choix de Dieu. Dieu a planté une parole au fond de notre cœur qui nous brûle, et que nous ne pouvons plus contenir. C’est comme le rouleau que le prophète Ezechiel a du avaler : la parole de Dieu habite en lui, il la rumine et la ressasse, elle lui brûle les entrailles.

Nous ne sommes pas tous appelés à être prophètes dans l’Eglise, mais nous avons tous quelque chose à partager avec ceux que nous fréquentons : ne serait-ce que notre confiance en Dieu.

Face à celui qui désespère, n’avons-nous pas, de la part de Dieu, une parole d’espérance à partager ?

Face à celui qui souffre de solitude, n’avons-nous pas à dire la présence et la fidélité de Dieu ?

Face à celui qui se sent aimé de personne, n’avons-nous pas à lui dire : il y en a un là haut qui te connaît par ton nom et te veut du bien ?

Au fond, c’est cela aussi être prophète : ne pas garder pour soi le trésor que Dieu nous a confié. Oser le partager en Eglise avec nos frères et sœurs dans la foi, oser aussi le partager avec les collègues de travail, les voisins, les amis et la famille, au quotidien.

Prière :

Seigneur, tu vois ma timidité devant les hommes, mon embarras à parler de toi. Pourtant tu veux faire de moi un témoin, peut-être même un prophète. Mais comment pourrai-je dire l’Evangile à celui qui ne veut pas l’entendre ? comment oserai-je dévoiler ce qui m’est personnel sans embarrasser l’autre qui m’écoute ? comment dire la foi avec les mots d’aujourd’hui, plutôt qu’avec le jargon d’Eglise ?

Seigneur, tu nous a dit : vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde.

Tu attends de nous que nous soyons les reflets de ta lumière dans le monde. Aide-nous à répondre à tes attentes, Accorde-nous par ton Esprit la force et l’audace de témoigner de tes bienfaits, de proclamer la bonne nouvelle de Jésus Christ, de transmettre les paroles qui nous brûlent le cœur, jusqu’à ce qu’elles soient partagées avec ceux que tu places sur notre chemin.

Merci Seigneur pour les témoins et les prophètes qui se sont succédés depuis des siècles et des siècles pour nous transmettre ta Parole, et nous rapporter par la Bible les traces de ton intervention dans l’histoire des hommes. Loué sois-tu pour tous ceux qui nous ont partagé leur foi, et aussi leur doute, car ils nous ont aidé à mieux te connaître, et cheminer dans la foi.

Sans témoin, sans prophète, nous ne serions pas là pour te prier aujourd’hui. Que serait aujourd’hui l’Eglise sans eux ? Suscite encore des vocations pour ton Eglise, Seigneur, des prêtres, des diacres, des prédicateurs, des pasteurs et des prophètes de toutes sortes, pour qu’avance ton Royaume de paix et d’amour sur cette terre qui en a tant besoin.

Amen

samedi 3 avril 2010

Tu m’a rejoins dans mon tombeau, et tu as changé mes lamentations en danse











Prédication de Pâques à Epernay le 4 avril 2010

Lecture biblique : Marc 16, 1-8

Trois tableaux

Nous pourrions décrire ce qui s’est passé le dimanche de Pâques à l’aide de trois tableaux. Celui qui les a peints s’était posté à 20 mètres environ du tombeau, dans le jardin de Joseph d’Arimathée. Il faisait encore nuit sous le ciel étoilé. A sa droite apparaît une allée bordée d’oliviers et d’arbousiers. A sa gauche le vallon étroit et sombre s’ouvre sur la ville de Jérusalem endormie. Le peintre a installé son chevalet et pris ses pinceaux.

1er tableau : l’entrée du tableau ressemble à une grotte creusée dans le rocher, mais elle est fermée par une grosse et lourde pierre ronde. Tout est silence et obscurité.

Une lumière jaune vif entoure la pierre, comme un liseré brillant, révélant que l’intérieur de la tombe est vivement illuminé.

2ème tableau : L’aurore s’est levée dans le jardin. Tiens, la pierre a été roulée sur le côté. A cette distance il est difficile de distinguer ce qu’il y a à l’intérieur. Voici trois silhouettes de femmes qui s’avancent dans l’allée à droite en direction du tombeau. Elles ont le visage baissé.

3ème tableau : il fait jour. L’entrée du tombeau n’a pas changé d’aspect, mais les trois femmes retournent en courant sur leurs pas.

Le peintre, témoin oculaire de cette scène étrange, n’a pas laissé de trace de ses observations.

Et les femmes ? celles qui ont vu et entendu des choses surprenantes, qu’ont-elles fait ? pendant un temps, elles n’ont rien raconté à personne, tellement elles étaient troublées, mais en définitive, elles ont bien tout raconté aux disciples.

L’évangile de Marc que vous avez entendu se termine, dans sa version courte, de façon abrupte, mais dans sa version longue, plus tardive dans sa rédaction, il reprend les témoignages des autres évangiles.

Il n’y a pas de doute, Jésus est bien apparu aux disciples en Galilée comme il l’avait promis. Thomas l’incrédule, a bien fini par se rendre à l’évidence que Jésus était là, en chair et en os devant lui, et il a cru.

Mais l’Evangile de Marc est particulièrement sobre pour décrire l’événement qui est à l’origine de la foi chrétienne.

Il est étonnant que ce qui fonde notre foi soit si ténu, si mystérieux. Car si on y regarde de plus près, on s’aperçoit qu’il n’y a pas dans les Evangiles d’explication au triomphe de Pâques, nous n’avons aucun récit dans aucun évangile relatant la manière par laquelle Jésus est passé de la mort à la vie.

Il s’est passé quelque chose, c’est certain. La résurrection n’est pas une rêverie, une invention des hommes. Quelque chose de précis, de tangible est arrivée. Mais ayons l’humilité de reconnaître que nous ignorons la nature des faits. Ce que nous savons avec certitude, c’est que les disciples, hommes et femmes tout autant, ont témoigné d’avoir vu le Christ vivant, le Christ ressuscité, ils ont été transformés dans leur cœur et leur conscience, et c’est sur la base de cette expérience qu’ils se lancèrent dans la proclamation de la bonne nouvelle. Avec l’audace et le courage que nous savons.

Dans son extrême sobriété, l’Evangile de Marc nous donne quand même des indications très précieuses sur ce qui s’est passé. En particulier sa manière de décrire les mouvements. Comment les femmes avancent vers le tombeau, comment elles lèvent les yeux vers la pierre roulée, comment elles entrent dans le tombeau vide, comment elles en ressortent… Le peintre avec ses trois tableaux a fait ce qu’il a pu pour décrire la dynamique de cette scène dans le clair – obscur du matin de Pâques. Pour bien faire, il lui aurait fallu une caméra. Et même, une caméra à infrarouge.

Tout est mouvement

Mais le récit de Marc dans sa brièveté, nous en dit plus : il y a tout qui bouge dans ce récit.

Le soleil se lève. La pierre est soulevée, roulée. Les femmes marchent en pensant à la façon dont elles vont bien pouvoir rouler la pierre. On les imagine marchant nerveusement, la tête baissée, discutant entre elles, un peu enfermées dans leurs soucis immédiats. Devant la pierre roulée, elles lèvent les yeux : encore un verbe de mouvement, associée à la surprise, l’étonnement, l’incompréhension. Déjà la peur qui les envahit. Puis elles entrent dans le tombeau.

Pour pénétrer dans un tombeau, qui est comme un trou dans le rocher, il faut forcément baisser la tête, peut-être même se courber. Pour entrer dans l’Eglise de la nativité (ou la résurrection) à Bethléem, il faut baisser la tête, tellement la porte est basse.

Et voici que les femmes ont une rencontre avec l’ange, ce jeune homme vêtu de blanc. Encore des verbes et des préfixes de mouvement dans ce qu’il dit aux femmes : « ne vous effrayez pas, vous cherchez Jésus le Nazaréen, le crucifié ; il s’est réveillé. » Là le jeune homme fait un jeu de mot : réveillé, en grec, signifie aussi ressuscité. Un mouvement vers le haut.

« Allez dire à ses disciples qu’il vous précède en Galilée » Précéder, c’est marcher devant. Avancer en tête, ouvrir un chemin, aller en éclaireur sur une voie inconnue pour faciliter la marche de ceux qui suivent.

Oui, ça bouge dans le texte. Et aussi dans le cœur de ces femmes. Car elles sortent aussitôt du tombeau.

Après le mouvement d’entrée, le mouvement de sortie. Elles s’enfuient même, effrayées. Le mot grec pour dire leur effroi a la même racine que le mot extase, qui n’a rien à voir avec la sérénité ou l’allégresse, mais qui évoque plutôt la sortie de soi-même, le bouleversement intérieur.

La rencontre se fait dans l’obscurité

Quel enseignement pouvons-nous tirer de tous ces mouvements extérieurs et intérieurs, qui ont présidé à la naissance de la foi chrétienne ?

Il est étonnant de constater en premier lieu que la rencontre avec l’ange se fait à l’intérieur du tombeau. Pas dans le jardin, pas à l’entrée en plein air, mais dans le creux sombre et secret d’un tombeau.

Pourquoi faut-il que la Parole de Dieu soit donnée dans ce lieu précis ? Pourquoi pas au sommet d’une montagne comme pour Moïse au Mont Sinaï ? Non, dans le creux, dans le lieu profond, dans l’humble lieu qui évoque la mort… voilà que la parole de Dieu nous rejoint là. Pourquoi ?

Peut-être a-t-il fallu d’abord baisser la tête pour y entrer, faire acte d’humilité, comme on rentre en soi-même à certains moments de notre existence.

Cela me rappelle le fils prodigue, qui loin de son père, au fond de sa misère et en compagnie des cochons qu’il gardait, comment à ce moment de creux de son existence, il est entrée en lui-même. Et c’est là qu’il a décidé de retourner vers le Père.

Ce n’est pas au sommet de notre gloire, ce n’est pas quand les affaires vont bien que Dieu nous rejoint. Ce n’est pas quand nous gravissons la marche du podium de la réussite sociale, que Dieu se met à nous parler au cœur. C’est dans l’humble lieu qui dit notre mortalité, notre finitude, que Dieu se manifeste.

Nous avons là une première bonne nouvelle : Dieu nous rejoint dans notre nuit, alors que nous sommes face à notre mort, confronté à notre faiblesse. Combien de fois je suis témoin de cela, lors de mes entretiens pastoraux : c’est souvent au creux de notre misère que la présence de Dieu se fait sentir. Le romancier roumain Pietru Dimitriu raconte comment il a reçu la lumière de la foi au fond de sa prison, enchaîné, méprisé et torturé par les gardiens communistes. Au fond du trou, c’est le cas de le dire, il a reçu la visite de l’ange.

N’ayez pas peur

La 2ème bonne nouvelle, elle est toute entière contenue dans ce que l’ange a déclaré aux femmes, en ce matin de Pâques. Quel fut son message ? « N’ayez pas peur, a-t-il déclaré, celui que vous cherchez est vivant, il est ressuscité »

Voilà en condensé le message central de la foi chrétienne.

D’ailleurs, nos frères Juifs reçoivent à Pâques, à leur Pâque, un message qui y ressemble : Dieu a libéré le peuple de l’esclavage d’Egypte. Là aussi il y a du mouvement et des bouleversements. Le peuple traverse la mer des joncs à pied sec. Eux aussi ont peur. Nous l’avons lu dans l’Exode : ils ont peur de tout ce qui leur arrive : les chars Egyptiens sont à leur trousse. Et les colonnes d’eau à droite et à gauche, le vent, le désert qui les attend, la marche vers l’inconnue.


Le parallèle avec le récit de Marc ne s’arrête pas là. Le Dieu de Moïse précède le peuple dans sa marche dans le désert avec la colonne de feu la nuit et la nuée pendant le jour. De même pour les femmes qui sortent du tombeau, c’est Jésus qui les précède en Galilée. Il leur indique la route à suivre.

Il nous précède

Voilà la troisième bonne nouvelle de Pâques, frères et sœurs, c’est que Jésus nous précède sur la route. Il ne suffit pas de croire que Jésus est vivant quelque part dans le monde. Mais la bonne nouvelle de ce matin, c’est que Jésus nous précède, chacun, dans notre Galilée, c'est-à-dire dans notre vie quotidienne. La Galilée, pour les disciples, c’est le retour à la vie ordinaire, après les trois années extraordinaires en compagnie de leur maître. Le maître n’est pas au tombeau, il les précède là où ils sont, dans leurs jours de malheurs, et dans les jours de bonheur.

Il y a un message vibrant que nous recevons ce matin : il nous précédera. Nous ne serons plus jamais sans lui, plus jamais seuls avec nous-mêmes, avec notre travail, notre vie et notre mort. Le ressuscité sera avec nous. Voilà le message de Pâques. Le Dieu mystérieux qui nous apparaît souvent si énigmatique dans la vie et dans la mort est maintenant présent parmi nous en Jésus Christ comme un ami et un frère. Pâques est dorénavant la fête qui nous libère pour une vie dans la joie.

Amen