mardi 1 juin 2010

Sagesse ou folie ?









Culte du 30 mai à Reims

Lectures bibliques : Proverbes 8 v. 22-36 ; Rom 5 vv. 1-11

Prédicateur : Le 1er texte que nous avons lu et qui est commun avec nos frères catholiques, fait l’éloge de la sagesse.

« Heureux celui qui m’écoute, dit la sagesse, celui qui me trouve trouve la vie. »

Qui est contre la sagesse ?

Si la sagesse est l’art de se comporter en société selon les valeurs de la justice, du respect d’autrui et de la paix, qui peut s’y opposer ?

Des sagesses, il y en a autant que de cultures. Tenez par exemple un petit livret que j’ai trouvé à la librairie près du comptoir : « sagesse hindoue » : « l’argent ne satisfait pas plus l’avidité que l’eau salée ne désaltère la soif. »

Moïse, avec ses dix commandements, avait déjà enseigné la sagesse il y a 3.000 ans.

Jésus aussi : « ne jugez pas et vous ne serez pas jugés …pourquoi regardes-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi ? » (Marc 6. 37-41) C’est le passage qu’a choisi Matthieu Tanon pour sa confirmation dimanche dernier.


Si les hommes plutôt que de courir après la richesse, le pouvoir ou d’autres idoles, intégraient davantage les préceptes de la sagesse, la terre ne serait-elle pas plus vivable ? N’y aurait-il pas moins de victimes innocentes, moins de violences, moins de guerre ?

Objection : Vous faites des beaux discours ! Vous nous enseignez la sagesse, vous transmettez les enseignements des grands hommes, Moïse, Jésus, vous pourriez rajouter Socrate, Bouddha, Gandhi et Comte Sponville… mais avec quels résultats, je vous demande ?

Regardez le monde : est-il plus sage qu’il y a 2.000 ans ? En vain tous les discours des sages ! en vain les belles paroles ! tout cela n’a pas empêché l’humanité de s’entretuer dans des guerres fratricides, ni les plus forts d’exploiter les plus faibles !

Prenons par exemple la parole de la Bible qui résume tout : tu aimeras ton prochain comme toi-même…Jésus l’a répété… mais en vain ! qui a pris au sérieux ce commandement ? Peut-être qu’une infime minorité d’hommes et de femmes ont appliqué vraiment ce commandement, et ils sont dignes d’admiration… mais cela reste une minorité.

Alors je vous demande, monsieur, comment s’y prendre pour que le monde change ? Pour que la majorité des hommes deviennent ne serait-ce qu’un tout petit peu plus altruistes et moins égoïstes ?

Si tous les hommes, au lieu de passer leur temps à servir leurs propres intérêts, consacraient 10% de leur temps à servir l’intérêt d’autrui, tout pourrait changer sur cette terre… mais comment les convaincre ?

Comment leur faire prendre conscience que l’amour désintéressé est la clé du bonheur pour tous ?

Moi, je ne sais pas. Et vous ?

Prédicateur : Moi non plus. Je ne suis ni un savant ni un sage. Mais il m’arrive de trouver des pistes de solution dans la Bible. Regardons le 2ème passage de ce jour.

L’apôtre Paul commence par cette expression qui fonde notre foi : « Etant justifié en vertu de la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. »

Etant justifié aux yeux de Dieu : il faut comprendre par là que Dieu nous considère comme justes, alors que nous sommes pécheurs. On pourrait le dire autrement : Dieu est prêt à nous pardonner, alors que nous l’avons offensé.

Une petite histoire

Je vais illustrer ceci par une petite histoire :

Il était une fois un homme, la cinquantaine, marié, deux enfants qui depuis une semaine ne trouvait plus le sommeil. Car voilà, il a renversé une dame âgée à un carrefour. Non seulement il ne dormait plus, il ne pouvait plus se regarder dans la glace, mais il avait déclaré à sa femme, en lui tendant les clés de sa voiture : prends les clés, chérie, je ne suis pas digne de toucher le volant.

Voilà comment cela s‘est passé : un camion était à l’arrêt juste devant le rond-point. L’homme s’approche avec sa voiture à vitesse modérée, double le camion, et vlan !, il heurte une dame qui traversait juste à ce moment là. Traumatisme, fracture du bassin, un mois d’hospitalisation.

Sur le conseil de sa femme, l’homme qui ne dormait plus , va rendre visite à la dame à l’hôpital. A peine entré dans sa chambre il reçoit une salutation amicale : « bonjour, monsieur, je vous reconnais. Pourquoi venez-vous me voir ? et sans attendre la réponse, elle ajoute : est-ce pour vous faire pardonner ? L’homme fait oui de la tête. Alors je vous pardonne entièrement, monsieur, je ne vous en veux pas le moins du monde ! »

Imaginez le soulagement extraordinaire qu’a pu ressentir cet homme. Tout en larmes, il l’a embrassée et est rentré chez lui. Il n’a pas tardé à retrouver le sommeil… et le volant.

Et depuis ce jour il n’a jamais été aussi prudent et vigilant sur la route.

Cette dame lui a fait un don extraordinaire : plus qu’un don, un par-don, qui est le don parfait. Il a reçu un immense cadeau qu’il se croyait indigne de recevoir. En langage d’Eglise, cela s’appelle une grâce imméritée.

Je crois que c’est exactement cela que l’apôtre Paul veut faire passer comme message, quand il dit : (v. 8) « Le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs »

Objection : Qu’est-ce que cela veut dire ? J’entends souvent cette phrase dans les cultes, ou dans les paroles de nos cantiques, mais je finis par ne plus y faire attention. Que Jésus Christ soit mort il y a 2000 ans, cela je le comprends bien, c’est un fait. Mais qu’il soit mort pour nous aujourd’hui, voilà qui n’est pas très logique.

L’étudiant chinois qui est mort sur la place Tien an Men devant les chars de Mao, il est mort pour une bonne cause.

C’est un héros. Je comprends le sens de son geste. De même les français morts au combat pour libérer la France en 14-18 ou en 39-45, sans oublier les alliés dont nous voyons les croix dans les cimetières aux alentours. Les héros, comme je vous disais déjà, nous les admirons, mais qu’est-ce que cela change vraiment pour nous ? Est-ce que cela nous rend meilleurs ?

Prédicateur : Avec Jésus Christ, c’est différent. Ce n’est pas un héros comme les autres. Si l’on en croit l’apôtre Paul, la mort de Jésus a une portée bien plus considérable que la mort de tous les héros qui sont morts pour une bonne cause. Pourquoi ? parce que la mort de Jésus pour nous est la preuve de l’infini amour de Dieu pour l’humanité. Ce qui n’est pas le cas de l’étudiant chinois ou des morts pour la France.

Paul explique en effet que l’homme le plus courageux est capable de mourir pour une bonne cause, ou par fidélité à l’égard d’un grand homme. Je pense par exemple à ceux qui ont répondu à l’appel du General de Gaulle et qui ont risqué leur vie pour une France libre. Mais Dieu surpasse l’homme le plus courageux, car il a donné son fils non pas pour des hommes bons et grands, mais pour des hommes pécheurs. C’est dire à quel point Dieu nous aime !

Objection : Bon, admettons que Dieu ait manifesté un grand amour pour nous en envoyant son fils Jésus Christ et le laissant mourir pour nous. Admettons. Mais je vous demande : en quoi ce geste d’amour de Dieu à notre égard est-il la clé du problème ? En quoi cela pourrait-il rendre l’humanité plus sage ? les hommes plus altruistes ?

Predicateur : C’est cela la bonne question. Vous avez mis le doigt sur le chainon manquant. C’est par ce chainon que toute la chaine du bien peut se mettre à tirer le monde vers le bien et vers le haut. Vous retirez le chainon, et le monde retombe inexorablement vers le bas, vers le fond, vers le mal.

C’est le chainon de l’amour donné et reçu. Ou le pardon donné et reçu. Regardez l’homme qui a renversé une vieille dame au carrefour. Tant qu’il n’avait pas reçu le pardon, il était comme paralysé, esclave d’un sentiment de culpabilité et de mort, et incapable de faire le bien autour de lui.

Tant que l’amour n’est pas reçu, rien ne peut changer.

Prenons un autre exemple : c’est comme l’enfant qu’une famille a l’intention d’ adopter. Un enfant qui a manqué d’amour étant petit. Il ne pourra jamais grandir. Mais que la famille l’adopte et lui donne de l’affection, de la sécurité, de la chaleur et de l’amour, et le voilà qu’il s’épanouit et grandit !

Ce n’est pas en lui faisant des discours de sagesse que cet enfant va s’épanouir, mais en lui prodiguant d’abord de l’amour. C’est vrai pour tous les enfants du monde, adoptés ou non. L’amour des parents vient en premier. La sagesse transmise par l’éducation vient après. Vis-à-vis de Dieu, nous en sommes encore au stade de la petite enfance. Nous sommes comme des enfants qui n’ont pas reçu l’amour initial venant de Dieu. Dieu nous l’a donné, mais nous ne l’avons pas encore reçu, pas encore intégré.

Nos théologiens et philosophes ont écrit des tonnes de livres sur Dieu, sur Jésus Christ, la religion et la foi, mais cela ne nous fait pas avancer d’un millimètre sur le chemin de l’amour.

Objecteur : Pas d‘un m/m ?

Prédicateur : pas d’un m/m ! Ce n’est pas les discours de sagesse qui rend plus altruiste, c’est l’amour reçu au plus profond de notre être, et l’exemple de ceux qui nous éduquent.

Si nous ressentons un jour, au fond de notre être, (le mot ressentir n’est pas approprié, car ce n’est pas une question de sentiment, c’est plus profond), que Dieu s’est donné pour nous, par pure bonté, en donnant son fils… alors quelque chose change en nous, qu’aucun discours de sagesse ne peut changer. Un peu comme une personne qui a failli mourir d’un accident ou d’une maladie grave, et s’en est tiré de justesse. Il y a quelque chose qui a changé en elle.

C’est comme si Dieu, qui a créé le ciel et la terre, qui sait tout et qui voit tout, nous murmure à l’oreille en disant : « je te connais toi, je sais tout ce que tu as fait de bien et de mal, mais je t’aime à la folie. La preuve, c’est que j’ai donné mon fils pour toute l’humanité, donc pour toi aussi. »

Objecteur : Vous avez dit : Dieu nous aime à la folie ?

Prédicateur : Oui, Dieu nous aime à la folie. Sa sagesse est comme une folie aux yeux des savants et des sages. Qui aurait pu imaginer la croix comme lieu où le fils de Dieu aurait fini ses jours sur terre ? Folie pour les hommes que la sagesse de Dieu !

Dans l’épître aux Corinthiens, Paul le dit mieux que moi , et je terminerai par ces paroles :

« En effet, prêcher la mort du Christ sur la croix est une folie pour ceux qui se perdent, mais nous qui sommes sur la voie du salut, nous y discernons la puissance de Dieu….ainsi Dieu a décidé de sauver ceux qui croient grâce à cette prédication apparemment folle de la croix. Les Juifs demandent comme preuves des miracles, et les Grecs recherchent la sagesse. Quand à nous, nous prêchons le Christ crucifié : scandale pour les Juifs, et folie pour les grecs. » (I Cor. 1. 18-23

Amen

1 commentaire:

chinsa a dit…

Merci pour ce bel échange et pour avoir clarifié que le PAR-DON est le DON parfait.