lundi 18 janvier 2010

Soyez toujours joyeux !









Prédication donnée à Reims le 17 janvier 2009

Esaïe 43.1-4

Jean 2, 1-12

I Thessaloniciens 5, 16-18

Un miracle à Cana

C’est dans un petit village de Galilée au cours d’un repas de noces, que Jésus accomplit son 1er miracle. Les jeunes mariés sont des amis proches de sa mère Marie. La fête bat son plein. Mais voilà que le vin vient à manquer.

Marie s’en aperçoit et le signale à Jésus, en espérant qu’il allait faire quelque chose. Ce dernier, qui avait très bien compris l’allusion de sa mère, la rabroue un peu vivement, mais finit par intervenir.

L’eau des jarres de pierre est alors changée en vin, un vin qui s’avère excellent, du Château Laffitte ou Château Saint Julien, cru classé. N’allez pas croire que cela pouvait être du champagne… qui n’avait pas encore été inventé.

Ainsi la noce pouvait –elle reprendre de plus belle, trouver un second souffle.

Nous pourrions nous arrêter là et retenir de cette histoire le côté miraculeux, prodigieux, surnaturel de l’intervention de Jésus. Mais nous passerions à côté de la pointe du récit. La pointe n’est pas unique d’ailleurs, elle est comme la pointe d’un diamant, avec plusieurs facettes.

Trois facettes retiendront notre attention : la plénitude, la surabondance, la joie.

La plénitude transformante

L’interprétation classique des noces de Cana consiste à opposer l’ancienne alliance, symbolisée par les 6 jarres d’eau servant à la purification des Juifs, et la nouvelle alliance instaurée par Jésus Christ symbolisée par le vin de la coupe de communion.

Le miracle de Cana a donc une signification (c’est pourquoi Jean l’appelle un signe) : L’épisode de Cana nous fait entrer dans l’alliance en Jésus Christ. L’eau transformée en vin, c’est l’alliance fondée sur la Loi qui est transformée en alliance fondée sur la grâce.

Pour conforter cette idée, les exégètes font remarquer que le nombre de jarres a aussi une signification : le chiffre 6 étant celui qui précède le chiffre de la plénitude : sept. Il y a quelque chose d’imparfait, d’insuffisant dans le régime de la loi de Moïse. Il y a un manque. Le nouveau régime selon Jésus est caractérisé au contraire par la plénitude.

Remarquons aussi que Jésus demande de remplir les jarres jusqu’à rabord avec de l’eau, avant d’en faire du vin. Il y a un double mouvement : plénitude et changement ; remplissage et transformation.

Jésus n’est pas venu pour prolonger l’ancienne alliance, ni même pour en réparer les défauts, mais pour la renouveler profondément.

Il ne s’agit pas non plus d’un remplacement, comme on jette une vieille machine à laver pour la remplacer par une nouvelle. Je ne suis pas venu pour abolir la loi, a déclaré Jésus, mais pour l’accomplir. Il s’agit d’un accomplissement qui transforme, d’une plénitude transformante. Voilà pour la première facette du diamant.

La surabondance du don

Voyons maintenant l’aspect quantitatif. Les jarres destinées à la purification contenaient environ 100 litres d’eau chacune. Plus que la plénitude, c’est la surabondance. 600 litres d’excellent vin pour une fin de repas de noces, c’est bien plus qu’il n’en faut ! La grâce de Dieu, ça coule et ça déborde de partout, pour parler trivialement.

Le régime de la grâce inauguré par Jésus Christ est caractérisé par la surabondance du don de Dieu. Un don qui n’a pas de limite.

Le don des hommes a toujours des limites. L’effort de solidarité en faveur de Haïti dévasté par le tremblement de terre est louable, mais il est nécessairement limité dans le temps et en quantité. Et ce don est aussi limité par nature : les dons en argent et en vivres sont utiles, mais il faudrait donner du temps, encourager, former sur le long terme….

Il faut bien se rendre à l’évidence que le don venant des hommes est limité, bien que nécessaire et indispensable. Le don venant de Dieu, qui est d’une autre nature, qui est de l’ordre à la fois du pardon et de l’amour sans condition, ne connaît pas de limite. A la finitude de tout ce qui vient de l’homme correspond l’infinitude de ce qui vient de Dieu.

La joie qui surgit

Le diamant de notre histoire comporte encore une autre facette : la joie.

On pourrait se demander pourquoi le maître de cérémonie insiste autant sur le fait que le vin nouveau est meilleur que le vin du début ? « le maitre de cérémonie appelle le marié et lui dit : tout homme sert d’abord le bon vin, puis, quand les gens sont ivres, le moins bon ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent. »

L’attention du lecteur est portée non pas sur le changement de l’eau en vin, mais sur le passage du vin ordinaire au vin excellent. Sachant qu’entre les deux, il y a un manque, ou plus précisément la peur du manque. La peur de voir les noces se transformer en fiasco parce que le vin vient à manquer. Qu’est ce qui fait qu’un banquet de noces est réussi ? c’est la joie des convives. Le vin vient à manquer, c’est la joie qui retombe et disparaît.

On imagine les exclamations des convives quand ils goutèrent le vin nouveau, les chants et les danses qui reprennent, les rires qui éclatent et les sourires qui se lisent à nouveau sur tous les visages.

Le manque, le deuil, la perspective de la mort…. Tout cela nous procure de la tristesse, mais l’Evangile de ce matin nous parle au contraire d’un vin nouveau, d’une joie nouvelle qui est meilleure que le bonheur que nous cherchons par nos propres moyens à construire.

La tristesse, une maladie de l’âme

A propos de tristesse - je ne parle pas de la tristesse momentanée, mais de la tristesse qui s’installe, qui dure comme une déprime, une sinistrose, il est intéressant de noter que les Pères de l’Eglise la considèrent comme une maladie de l’âme. Les Pères orientaux des premiers siècles ont toujours considéré la joie comme un don de Dieu, et la tristesse comme un mal intérieur profond dont il faut guérir.

Et qui est le médecin des âmes par excellence ? Le Dieu de Jésus Christ affirment-ils avec force.

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. Nous dit le Psalmiste. Face à mes adversaires, tu dresses devant moi une table.

Dans la perspective des Pères de l’Eglise, les adversaires désignent les ennemis intérieurs, la peur, l’angoisse, la culpabilité ou la colère, autant de choses qui nous rongent.

En France la consommation d’anti-dépresseurs et d’anxiolytiques ne cesse de croître. La crise économique et sociale n’a sans doute pas amélioré les choses. Au milieu de la sinistrose générale, la joie est là, prête à se manifester.

Soyez toujours joyeux !

C’est d’ailleurs un commandement de Paul quand il dit « soyez toujours joyeux ! » Il s’adresse aux Thessaloniciens, qui avaient bien des raisons d’être inquiets ou tristes, à cause des moqueries et des persécutions dont ils étaient l’objet. Que leur commande-t-il ? Soyez toujours joyeux !

Mais comment peut-on décider d’être joyeux ? Curieux commandement !

N’y a-t-il pas un peu d’audace à oser proclamer « soyez toujours joyeux », alors que tant de guerres meurtrières endeuillent tous les jours notre planète, que les populations les plus pauvres de la planète subissent ouragans et tremblement de terre, que le terrorisme fleurit ici ou là, que les durent lois économiques condamnent tant de nos contemporains sous toutes les latitudes à une vie misérable ?… soyons clairs, la situation mondiale n’était pas plus glorieuse du temps de Paul.

Mais quand Paul parle de joie, il ne s’agit pas d’une gaieté superficielle, ou d’un optimisme béat, il s’agit de la joie profonde de l’assemblée croyante ; joie d’accueillir la bonne Nouvelle de la Parole de Dieu, joie de lire dans nos vies les signes de l’Esprit ; joie d’une vie fraternelle.

Se sentir aimé de Dieu

Et surtout, joie de se sentir aimés de Dieu. Les lignes du prophète Esaïe sont portées par un souffle inimitable : « n’aie pas peur dit l’Eternel, car je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi. Si tu traverses les eaux je serai avec toi… du fait que tu as du prix à mes yeux, du fait que tu es glorifié et que je t’aime. »

Dans mon quartier habite une dame âgée que je croise souvent dans la rue. J’ai toujours été frappé par son sourire. Elle ne se plaint jamais et déborde toujours de joie. Vendredi dernier, sachant que j’avais à prêcher sur le thème de la joie, je lui ai demandé : dites moi madame, la joie cela évoque quoi pour vous ?

Elle me répond : c’est un don de Dieu. Je l’ai reçu à une époque où je n’allais pas bien du tout, où je culpabilisais par rapport à mes enfants (je ne rentre pas dans les détails) et je me sentais bien seule. Un jour je suis tombée sur ce passage d’Esaïe : « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime. » Alors quelque chose a changé en moi. Si j’ai du prix aux yeux de Dieu, c’est plus important que tout le reste. J’ai retrouvé la joie dans la vie, et elle ne m’a plus jamais quittée.

Même quand il vous arrive des malheurs dans la vie ? ai-je demandé. Oui, la joie de Dieu m’aide à traverser les épreuves de la vie. Dieu donne la joie même quand cela ne va pas.

Il y a une différence entre bonheur et joie ; à la différence du bonheur, la joie n’est pas égoïste. La joie que Dieu me donne, elle n’est pas que pour moi, mais pour ceux qui m’entourent. Elle est contagieuse comme le virus de la grippe A.

Autre différence : on peut construire son bonheur, comme on construit un foyer, mais qui peut construire sa joie ? qui peut la commander ? La joie est un sentiment profond, inattendu, qui jaillit sans qu’on puisse le contrôler. D’où l’expression courante « éclater de joie ». Un évènement qui surgit en nous-même mais qui nous vient d’ailleurs, et dont la portée nous dépasse.

Comme le vin excellent qui surgit au milieu de la fête, de façon inattendue, sans que l’on sache comment il est arrivé. Seuls Marie et les serviteurs proches de Jésus savaient.

Dans le livre « la cité de la joie », Lapierre et Collins s’étonnent de voir tant de joie dans les bidonvilles de Calcutta. D’où vient elle ? cela reste un peu un mystère.

La pointe du diamant

La plénitude transformante, la surabondance du don, la joie surgissante, les trois facettes de notre diamant ne forment qu’une pointe. Et cette pointe, quelle est-elle ? c’est la personne de Jésus Christ. Jésus est esprit. Par son esprit il nous remplit et nous transforme ; il est don surabondant ; il fait surgir en nous la joie.


Au cours des noces de Cana quand la fête s’essouffle, un certain Jésus, discrètement, redonne un nouveau souffle. Quand la vie devient lourde et que notre coupe devient amère, un certain Jésus, discrètement, remplit notre coupe d’un vin délicieux.

Un vin qui est meilleur que tout ce que nous avons pu goûter auparavant,

Un vin qui a l’avant- goût de la vie éternelle,

Et qui nous laisse entrevoir ce que sera,

un jour, la joie d’être en communion totale avec le Dieu de Jésus Christ.

Amen

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