dimanche 24 janvier 2010

la componction et la joie


Prédication donnée à l’Eglise St André le 24 janvier 2010 dans le cadre de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens.

Lectures bibliques :

Néhémie 8. 1-10

Luc 1. 1-4 et 4.14-21

La lecture publique

Quand arriva la fête du 7ème mois tout le peuple se rassembla comme un seul homme sur la place. On demanda au scribe Esdras d’apporter le livre de la Loi de Moïse. Esdras en fit la lecture depuis le lever du jour jusqu’à 6 h du matin. Les prêtres et les lévites donnaient les explications.

Chers frères et sœurs, je vous donne rendez-vous en Juillet de cette année, place d’Erlon. Tous les Rémois sont invités à entendre la Bible, qui sera lue depuis le lever du jour à 6 h du matin, jusqu’à midi. Tous les prêtres, pasteurs et diacres de la ville en feront la lecture publique, et en donneront les explications. A la fin de la lecture publique, tout le peuple de Reims lèvera les mains et s’écriera d’une seule voix : « AMEN ! »

Un tel projet n’aura sans doute pas le même succès que du temps d’Esdras et Néhémie… mais on a le droit de rêver, non ?

Au temps d’Esdras et Néhémie, en 450 avant Jésus Christ, le peuple est rentré d’exil et le Temple est enfin reconstruit. Vu de loin, on pourrait croire que tout est oublié. Et pourtant le moral n’y est pas. Il y a des disputes entre ceux qui sont restés pendant l’exil et ceux qui en sont revenus. On ne se remet pas non plus d’une invasion, du saccage d’une ville… on en garde des cicatrices pendant plusieurs générations. Et pourtant ils avaient tout : ils avaient la terre, la ville sainte, le Temple… mais il manquait la Parole de Dieu.

Un détail du récit m’a interpellé et c’est à ce sujet que je voudrais dire un mot : les Israelites rassemblés pleuraient en entendant les paroles de la Loi. Pourquoi pleuraient-ils ? « Ne pleurez pas, ne prenez pas le deuil », répétaient les prédicateurs, mais ils pleuraient. Il a fallu qu’ils leur disent : allez, mangez des viandes savoureuses, pour qu’ils cessent de pleurer. Que le champagne coule à flot dirions-nous ici !

La componction

A mon avis, ils pleuraient de componction. De la vraie componction. Il ne s’agit pas ici d’un air triste qu’on se donne, mais d’une douleur aigue que nous ressentons lorsque nous prenons conscience d’une faute commise.

Dans le nouveau testament, le mot componction est utilisé une seule fois dans un passage très significatif, à propos de la foule qui était à Jérusalem le jour de Pentecôte : « après voir entendu ce discours, il eurent le cœur vivement piqué » (Actes 2). En grec le mot pour componction signifie être piqué. Le discours en question est celui de Pierre, qui vient de révéler de la part de Dieu la faute du peuple, celle d’avoir crucifié Jésus.

Cette révélation engendre une vive douleur qui se situe au niveau du cœur. De cette douleur viennent les larmes, qui coulent en tout cas dans le cœur et souvent sur les joues.

Un autre exemple est celui du reniement de Pierre. En entendant chanter le coq, il prit conscience de sa faute et se mit à pleurer. Et les Israelites en entendant les paroles de la Loi, se mirent à pleurer, prenant conscience de l’écart entre leur comportement passé et la Loi de Moïse.

Dans la même ville de Jérusalem, 5 siècles plus tard, Jésus prêche dans une synagogue de Nazareth. Lui aussi fait la lecture de la Loi et les Prophètes. Mais ses auditeurs ne se sont pas mis à pleurer. Ils n’ont ressenti aucune componction. Ils s’interrogeaient seulement sur l’identité de celui qui leur parlait. Et lorsque ce dernier a laissé entendre que le messie qui devait venir se tenait debout devant eux, ils furent scandalisés, le chassèrent et cherchèrent même à le précipiter du haut d’une falaise.

Pourquoi y a-t-il les larmes et la componction à la Pentecôte ou du temps d’Esdras et Néhémie, et pas à Nazareth devant Jésus ?

Autre façon de formuler la question : Qu’est-ce qui nous fait prendre conscience de notre péché ? qu’est-ce qui nous pousse à la repentance.


L’œuvre de l’Esprit Saint

Notre conscience, me direz-vous. Ce gendarme intérieur qui nous dit : là tu as commis une faute. Tu as blessé l’autre, ou tu as transgressé la loi. Notre conscience produit la culpabilité, qui est le premier pas du chemin de la sagesse ou de la réconciliation. Sans conscience, la vie en société serait un enfer insupportable.

Mais notre conscience ne suffit pas à révéler notre péché devant Dieu. Il y a les fautes visibles et les fautes invisibles, enfouies au fond de notre être. La plus invisible est l’orgueil, disent les Pères de l’Eglise. Cette maladie de l’âme qui ne dit pas son nom, et qui est notre inclination à nous passer de Dieu, à nous faire nous même Dieu. C’est le péché originel décrit dans la Genèse.

Qui peut nous faire prendre conscience de notre orgueil ? Il n’y a que l’Esprit Saint qui puisse le faire. La componction ressentie par les Juifs à la Pentecôte était produite par l’Esprit Saint. Il soufflait bien fort à l’époque. A Nazareth, le village de l’enfance de Jésus, l’Esprit Saint n’a pas soufflé. Leur cœur s’est endurci en écoutant Jésus annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Mais au temps d’Esdras et de Néhémie, l’Esprit Saint a du souffler bien fort sur tous les Israelites rassemblés, pour qu’ils se mettent à pleurer de tout leur soul. Ils ont pris conscience qu’ils s’étaient éloignés de Dieu, et tous en cœur, ils se sont écriés « Amen ».

La repentance, une bonne nouvelle

L’appel à la repentance est aussi un appel à se réjouir. Les mots componction, repentance, péché ont une connotation un peu rabat-joie de nos jours. Et pourtant, je vous annonce que la repentance est une bonne nouvelle. Pourquoi ? parce qu’ elle nous révèle, en même temps que notre péché, l’infini amour de Dieu.

Dans la nuit du reniement, Jésus a regardé Pierre. Ce n’était pas un regard de reproche, mais de compassion. Pierre l’a compris dans le regard de Jésus, et il a pleuré.

C’est dans la découverte de l’amour infini du Christ, que Pierre a mesuré l’énormité de son reniement. C’est lorsque Dieu s’approche de nous dans sa grandeur que nous mesurons notre petitesse. Ou qu’il s’approche de nous dans sa bonté, que nous mesurons nos limites humaines. Plus l’amour de Dieu nous apparaît grand et plus notre péché nous apparaît grand, et plus profonde est notre conversion.

Plus profonde et plus durable aussi est notre joie. Cette joie à laquelle aboutit immanquablement le chemin de conversion, et qui surgit sans que nous puissions la commander, et dont la source est certaine : la joie est un fruit de l’Esprit Saint.

Si vous venez fin Juillet à mon rendez-vous de lecture publique pour tous les Rémois, prenez avec vous un panier avec des mets gras et succulents, je fournirai le Champagne, et nous ferons une grande fête à partir de midi.


En attendant, prions pour que l’Esprit Saint soit au rendez-vous !

Amen

Aucun commentaire: