vendredi 26 août 2016

La tendresse de Dieu

Exode 34. 4-9, Ezech. 16. 1-6, Luc 7. 11-16


Pendant que Italiens pleurent les victimes des tremblements de terre, que les guerres en Syrie, Irak, Yemen, et Ethiopie  continuent de détruire des familles et gonflent les camps de réfugiés…,
je souhaite vous parler de la tendresse de Dieu. Oui, la tendresse de Dieu.

Quand on cherche désespérément un signe du Royaume de Dieu sur terre, et qu’on a du mal à le trouver, on peut au moins se tourner vers la Bible pour l’y trouver.

De la tendresse de Dieu, la Bible n’est pas très loquace. Elle nous parle un peu de tendresse, mais pas mal de violence et de guerre.

Vous savez, la Bible est comparable à un tapis.

Avez-vous remarqué comment sont fabriqués les tapis ? Si vous suivez les fils de couleurs, par exemple le fil rouge, qui apparait le long de la trame disparait un peu plus loin, puis réapparait quelque cm plus loin. Mais si vous retournez le tapis, vous vous apercevez que c’est le même fil qui en disparaissant est passé sous le tapis, pour ressortir après. Il n’y a pas de discontinuité, malgré les apparences.
C’est la même chose pour la Bible : il n’y a pas de discontinuité entre l’AT et le NT. Prenons par exemple le fil rouge de la tendresse de Dieu. Oui, la tendresse de Dieu ! Cette expression peut surprendre.  Elle apparaît dans certains passages de l’AT, puis disparaît pour laisser place à la colère de Dieu, puis réapparaît à nouveau dans le NT. Un peu comme le fil dans la trame du tapis.

Dieu se révèle à Moïse

Le premier passage de l’Ancien Testament, dans le livre de l’Exode, nous raconte comment Dieu se révèle à Moïse. La scène se déroule sur le mont Sinaï. Le texte précise que Dieu descendit dans la nuée et vint se placer auprès de Moïse. C’est une façon de dire que Dieu s’est révélé à Moïse dans l’intimité. Moïse était seul sur la montagne. Et Dieu s’est approché avec tact et délicatesse, tout enveloppé de sa nuée.
Et c’est dans l’intimité d’une confidence que Dieu révèle qui il est :  il proclama lui-même son nom, nous dit le texte. Cela donne à ce texte une importance considérable : rendez-vous compte : Dieu lui-même prend la parole et révèle à Moïse son nom, c’est à dire qui il est !
Il y a des milliers de livres et des millions de pages de théologie qui tentent de cerner qui est Dieu, et voilà que Dieu est en train de dire à un homme qui il est, en une seule petite phrase : et cette petite phrase, la voici : « Mon nom est l’Eternel, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité ». 
C’est la 2ème fois que Dieu se révèle à Moïse. La 1ère fois, c’était devant le buisson ardent, lorsqu’il lui a dit : je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Et il avait ajouté : mon nom est : je suis celui que je suis. Avouons-le, cela reste un peu énigmatique.
Cette fois-ci, sur le mont Sinaï, Dieu en dit un peu plus sur ce qu’il est à l’égard des hommes : ce n’est pas un Dieu dur et sévère, mais un Dieu tendre et lent  à la colère.

Je retiens le mot « tendre ». Examinons d’un peu plus près ce que signifie pour nous la tendresse de Dieu.
Le deuxième texte de l’AT, tiré du prophète Ezéchiel, nous en donne un autre éclairage. C’est un passage étonnant, peu connu, et même assez dur à entendre.
« A ta naissance, au jour où tu es née, ton cordon n’a pas été noué, tu n’as pas été lavée dans l’eau pour être purifiée… » C’est Dieu lui-même qui s’adresse à Jérusalem, à travers la bouche du prophète. Jérusalem, ou le  peuple de Dieu, est comparé à un nourrisson qui a été abandonné par ses parents naturels, qui n’a même pas été lavé ni enveloppé de langes, et qui a même été jetée dans les champs pour être dévoré par les corbeaux ! Il est en train de mourir, là, gigotant dans son sang. « nul n’a posé sur toi un regard de pitié pour te faire l’une de ces choses par compassion »…quelle horrible démarrage dans la vie pour un enfant !
Mais Dieu est passé par là, il a vu cet enfant abandonné, et il a accompli tous les gestes d’une mère : nouer le cordon ombilical, laver, frotter avec du sel, envelopper de langes, et nourrir au lait maternel. Le texte ne le dit pas explicitement, mais c’est sous-entendu. Il y a comme une émotion toute maternelle qui transparaît à travers ces lignes.

Comment parler de la tendresse de Dieu ?

Il y a deux écueils qu’il faut éviter quand on parle de la tendresse de Dieu :
-       le premier, c’est le sentimentalisme à l’eau de rose. La tendresse est alors vue comme de la gentillesse un peu mièvre et finalement sans effet sur l’autre. Or la tendresse de Dieu, nous le verrons, a une force vitale, une puissance de transformation hors du commun.
-       Le deuxième, c’est de refuser d’envisager que Dieu puisse avoir des émotions. Et par conséquent, puisque la tendresse est une émotion, Dieu ne peut pas avoir de la tendresse à notre égard, ce n’est qu’une vue de l’esprit, une projection de l’homme sur Dieu, un anthropomorphisme.
Entre ces deux écueils se tient une vérité de ce qu’est Dieu pour nous, et que nous pouvons qualifier de tendresse.

Le mot tendresse

Qu’est-ce au juste que la tendresse ? Si on fait une recherche d’image autour de ce mot sur Internet, on trouve  un enfant contre la joue de sa mère, un chaton qui semble faire une bise à un renard, une mouette au bec impressionnant et son petit. 
Nous remarquons que le fort prend d’infinies précautions pour ne pas blesser le faible. La tendresse est une relation asymétrique entre deux êtres, caractérisée par une proximité respectueuse. Elle exclut toute forme de possessivité ou de condescendance.
La tendresse est une émotion proche de la compassion, qui le plus souvent se traduit par un geste. Un regard, une caresse, un contact selon les situations, et qui semblent dire à l’autre : tu es précieux pour moi, mon cœur est attendri par ta présence, et je désire te faire du bien.
Même dans nos paroisses protestantes réformées, réputées pour leur austérité, il arrive que la tendresse s’exprime librement, lorsque deux frères dans la foi s’embrassent par exemple.
Le geste de tendresse n’est pas calculé, il nous échappe, il est nature, il est gratuit. Et l’autre le reçoit comme tel.

Revenons à la Bible. Le fil rouge de la tendresse de Dieu apparaît à plusieurs endroits dans la trame de la Bible. Le mot tendresse, en hébreu réhèm, évoque les organes internes, et en particulier ceux de la femme. Cela bouscule notre vision traditionnelle de Dieu. Dans Jérémie, Dieu frémit dans ses entrailles (encore le mot « réhèm ») pour son peuple qui souffre. Dans Osée, Dieu est comparé à une femme qui porte son enfant contre sa joue.
Quel contraste avec l’image du père fouettard que l’Eglise a colportée pendant des siècles, en particulier en Occident !

La force de la tendresse

La tendresse n’a rien d’une mièvrerie, car elle possède une force qui peut surmonter tous les obstacles. Herman Hesse a écrit : La tendresse est plus forte que la dureté, l'eau est plus forte que le rocher, l'amour est plus fort que la violence.
La tendresse manifestée par Jésus Christ a une force incroyable. 
Elle est capable de réveiller un mort !

Selon notre texte de l’Evangile de Luc, Jésus rencontre un jour une veuve dans un village du nom de Naïn. Elle vient de perdre son fils unique.
Quand Jésus voit cette femme marchant à côté du cercueil de son fils, il est ému aux entrailles, nous dit le texte. Le mot en grec signifie « frémir dans ses entrailles », comme dans l’AT.  Avec une infinie délicatesse, Jésus va regarder cette femme et lui dire : « ne pleure pas ! ». Non pas avec dureté ou agacement, mais avec douceur. Puis il touche le cercueil. Encore un geste de tendresse.
Et Il parle au défunt de telle manière qu’il ressuscite : Jeune homme, je te le dis, lève-toi !, puis il remet l’enfant à sa mère, ce qui est encore un geste de tendresse pour consoler cette veuve.
Il y a dans la tendresse divine à la fois une infinie douceur, et une force incroyable, une puissance capable de ressusciter un mort.
Dans le texte d’Ezéchiel aussi, la tendresse de Dieu suscite la vie. L’Eternel, après avoir jeté un regard de compassion sur le nourrisson abandonné qui gigotait dans son sang, se penche sur lui et lui dit par deux fois : « vis ». Une parole, un commandement même, qui produira ce qu’elle commande, à savoir la vie pour cet enfant.

La caresse de l’âme

Oui, un geste ou une parole de tendresse peut donner la vie. Cela me fait penser aux personnes que l’on arrive à sauver du coma par les caresses et des paroles aimantes à leur égard. Cela peut prendre beaucoup de temps, parfois, mais les résultats sont là. C’est ce qui est arrivé à une maman que j’ai connu à Reims, et qui a eu un accouchement très difficile. L’enfant est né normalement, mais la mère est restée dans le coma presque 3 mois. Chaque jour son mari venait la voir, lui prendre la main, lui parler. Puis elle s’est réveillée. Quelle joie pour elle de pouvoir serrer son enfant dans ses bras !
La tendresse qui donne la vie ! Pourquoi ? parce qu’elle touche l’âme.
Heureux celui qui connaît la tendresse de Dieu car elle est une caresse de l’âme.
Les textes que nous avons lus ce matin nous donnent une révélation qu’il faut prendre au sérieux : notre Dieu est un Dieu de tendresse et de miséricorde. Il sait que nous en avons terriblement besoin. C’est pour cela qu’il a envoyé son fils, selon ce que nous allons dire dans un instant au moment de la Sainte Cène :  Dieu a tellement aimé le monde….
Alors laissons-nous toucher par Dieu, n’ayons pas peur de son regard ni de son contact.
Car son toucher ne blesse jamais, comme le fait parfois le toucher des hommes.
Sa parole n’enferme jamais comme le fait parfois la parole des hommes.
Sa parole, son geste, nous rejoint là où nous sommes, dans notre vulnérabilité et notre faiblesse.  Dans notre mort même.
Elle nous touche, et par sa tendresse toute puissante, elle nous fortifie, nous console et peut même nous ressusciter.
Elle est le fil rouge, parfois visible, parfois invisible, de la trame de notre vie.
Amen


1 commentaire:

Marthe1948 a dit…

Dieu tendre, en vers son fils lors de son incarnation, en vers nous, tout au long de notre vie.
Il se fait proche, toujours présent. Il nous dit ''vis'' et ces paroles reçues nous aident à dépasser les obstacles et les zones d'ombre de notre quotidien.La Bible, la prière, les prédications nous permettent de l'entendre nous dire ''vis''. même si le chemin est rocailleux
notre Dieu trinitaire fait route avec nous. force du Christ, souffle de l'Esprit.
Vivants !! Nous sommes vivants par grâce.Sauvés par Christ mort et ressuscité.
Loué sois-tu Seigneur.