mercredi 14 avril 2010

Le ministère diaconal

Lecture : Actes 6. 1-6


Méditation

Les douze apôtres étaient débordés par les tâches à accomplir, ils ne pouvaient à la fois s’occuper de l’annonce de la bonne nouvelle, de la prière, du service liturgique et du soutien dû aux plus démunis, en particulier les veuves. C’est pourquoi ils choisirent sept diacres à qui ils confièrent le soutien aux veuves et le service liturgique, en particulier le service des tables. Ainsi est né le ministère diaconal. En grec diakonos veut dire serviteur. C’est intéressant de voir que la diaconie et le service des tables sont étroitement associés. Le service des tables correspond à l’eucharistie aujourd’hui, (que les protestants appellent la cène).

A l’époque des premières communautés chrétiennes, il s’agissait de véritables agapes fraternelles. Tout le monde venait manger autour de la table, les riches et les pauvres, les hébraïsants et les hellénisants. Cette cohabitation autour d’une même table avait quelque chose de révolutionnaire : car jamais ces différentes catégories de personnes n’avaient l’habitude de partager ensemble le repas. Cela s’appelle la commensalité. C’est une expérience marquante pour tout le monde que de partager la même table avec un autre qui est différent. Jésus était critiqué pour avoir mangé avec les gens de mauvaise vie.

Il y a donc un lien très étroit entre le partage du pain et du vin de la cène et la diaconie, en ce sens que les riches se rendent proches des pauvres, les français des étrangers, les personnes éduquées de celles qui n’ont aucune éducation.

Cette proximité n’est possible que grâce à l’appel du Christ de partager le pain et le vin en mémoire de sa mort et de sa résurrection. Jesus est mort et ressuscité, pas seulement pour que chacun soit sauvé, mais aussi pour que tout ce qui fait obstacle à la réconciliation entre les hommes soit un jour levé.

Quand un membre d’Eglise s’engage dans la diaconie, il se rend proche de l’autre qui est différent. Il ne s’agit pas seulement de donner un peu d’argent à une association caritative, ou des vêtements à une braderie, il s’agit de rentrer en relation avec l’étranger, avec le sdf, avec le blessé de la vie.

Entrer en relation comme doivent le faire des frères en Christ, avec un esprit de bienveillance et de réciprocité dans le partage. Il s’agit de regarder l’autre comme l’a fait Jésus quand il allait chez les hommes et les femmes de toutes conditions, y compris les plus exclus et les plus méprisés de la ville : les regarder avec bienveillance et simplicité de cœur. Car mon prochain est lui aussi enfant béni du Père.

Prière

Seigneur tu vois combien la tâche est immense pour le ministère de diaconie à laquelle tu appelles ton Eglise. Que de misère autour de nous ! L’Eglise n’est heureusement pas la seule à combattre les fléaux sociaux, mais comment prêcher l’Evangile et ne pas venir au secours de notre frère qui meurt de faim à notre porte ? Seigneur, veuille susciter des artisans de justice et de paix dans le monde, et que ton Eglise ne cesse de donner l’exemple. Que notre façon d’agir soit sans cesse modelée sur celle de Jésus Christ, qui n’a pas épargné son temps ni sa personne pour soulager, guérir, encourager et consoler.

Si le ministère diaconal est parfois lourd à assumer, tant les souffrances sont grandes, nous savons que toi, Seigneur, tu est à nos côtés pour porter le fardeau. Nous pouvons même te remettre ce fardeau dans la prière, car tu as dit : venez à moi, vous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai le repos.

Accorde-nous Seigneur à la fois le zèle de l’Evangile et l’élan de la visite, la joie de te louer et le souci de servir, l’ardeur de la prière et la disponibilité pour agir dans le monde.

Amen

Le ministère de prophète



Lecture : Ezechiel 2 . 1- 10 et 3. 1-3


Méditation

Ezechiel n’a pas choisi d’être prophète. C’est Dieu qui l’a choisi pour être prophète c’est-à-dire pour parler aux hommes de la part de Dieu. Mais ce que Dieu avait à dire à son peuple n’était pas des paroles à l’eau de rose, c’était des réprimandes et des menaces, des paroles dures à entendre, dures à mettre en pratique.

Ainsi le prophète est celui qui transmet une parole de Dieu aux hommes, même si cette parole est dure à entendre. Au temps d’Ezechiel, le peuple avait oublié l’alliance avec Dieu et adorait les idoles de pierre et de bois. Ils avaient besoin d’un électrochoc pour se ressaisir, et revenir au Dieu de l’alliance. Ezechiel était le canal de l’électrochoc divin.

Cette image du prophète semble être d’un autre temps, totalement hors de propos aujourd’hui. Aujourd’hui, celui qui parle au nom de Dieu ne risque pas la persécution, en tout cas dans notre société occidentale, mais il risque d’être tourné en dérision, pris pour un illuminé, ou accueilli par un haussement d’épaule. Etre prophète n’est pas une sinécure, surtout quand les interlocuteurs sont fermés à toute parole venant de Dieu. Or notre société n’est-elle pas dans cette situation ?

Etre prophète, ce n’est pas un choix personnel, c’est un choix de Dieu. Dieu a planté une parole au fond de notre cœur qui nous brûle, et que nous ne pouvons plus contenir. C’est comme le rouleau que le prophète Ezechiel a du avaler : la parole de Dieu habite en lui, il la rumine et la ressasse, elle lui brûle les entrailles.

Nous ne sommes pas tous appelés à être prophètes dans l’Eglise, mais nous avons tous quelque chose à partager avec ceux que nous fréquentons : ne serait-ce que notre confiance en Dieu.

Face à celui qui désespère, n’avons-nous pas, de la part de Dieu, une parole d’espérance à partager ?

Face à celui qui souffre de solitude, n’avons-nous pas à dire la présence et la fidélité de Dieu ?

Face à celui qui se sent aimé de personne, n’avons-nous pas à lui dire : il y en a un là haut qui te connaît par ton nom et te veut du bien ?

Au fond, c’est cela aussi être prophète : ne pas garder pour soi le trésor que Dieu nous a confié. Oser le partager en Eglise avec nos frères et sœurs dans la foi, oser aussi le partager avec les collègues de travail, les voisins, les amis et la famille, au quotidien.

Prière :

Seigneur, tu vois ma timidité devant les hommes, mon embarras à parler de toi. Pourtant tu veux faire de moi un témoin, peut-être même un prophète. Mais comment pourrai-je dire l’Evangile à celui qui ne veut pas l’entendre ? comment oserai-je dévoiler ce qui m’est personnel sans embarrasser l’autre qui m’écoute ? comment dire la foi avec les mots d’aujourd’hui, plutôt qu’avec le jargon d’Eglise ?

Seigneur, tu nous a dit : vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde.

Tu attends de nous que nous soyons les reflets de ta lumière dans le monde. Aide-nous à répondre à tes attentes, Accorde-nous par ton Esprit la force et l’audace de témoigner de tes bienfaits, de proclamer la bonne nouvelle de Jésus Christ, de transmettre les paroles qui nous brûlent le cœur, jusqu’à ce qu’elles soient partagées avec ceux que tu places sur notre chemin.

Merci Seigneur pour les témoins et les prophètes qui se sont succédés depuis des siècles et des siècles pour nous transmettre ta Parole, et nous rapporter par la Bible les traces de ton intervention dans l’histoire des hommes. Loué sois-tu pour tous ceux qui nous ont partagé leur foi, et aussi leur doute, car ils nous ont aidé à mieux te connaître, et cheminer dans la foi.

Sans témoin, sans prophète, nous ne serions pas là pour te prier aujourd’hui. Que serait aujourd’hui l’Eglise sans eux ? Suscite encore des vocations pour ton Eglise, Seigneur, des prêtres, des diacres, des prédicateurs, des pasteurs et des prophètes de toutes sortes, pour qu’avance ton Royaume de paix et d’amour sur cette terre qui en a tant besoin.

Amen

samedi 3 avril 2010

Tu m’a rejoins dans mon tombeau, et tu as changé mes lamentations en danse











Prédication de Pâques à Epernay le 4 avril 2010

Lecture biblique : Marc 16, 1-8

Trois tableaux

Nous pourrions décrire ce qui s’est passé le dimanche de Pâques à l’aide de trois tableaux. Celui qui les a peints s’était posté à 20 mètres environ du tombeau, dans le jardin de Joseph d’Arimathée. Il faisait encore nuit sous le ciel étoilé. A sa droite apparaît une allée bordée d’oliviers et d’arbousiers. A sa gauche le vallon étroit et sombre s’ouvre sur la ville de Jérusalem endormie. Le peintre a installé son chevalet et pris ses pinceaux.

1er tableau : l’entrée du tableau ressemble à une grotte creusée dans le rocher, mais elle est fermée par une grosse et lourde pierre ronde. Tout est silence et obscurité.

Une lumière jaune vif entoure la pierre, comme un liseré brillant, révélant que l’intérieur de la tombe est vivement illuminé.

2ème tableau : L’aurore s’est levée dans le jardin. Tiens, la pierre a été roulée sur le côté. A cette distance il est difficile de distinguer ce qu’il y a à l’intérieur. Voici trois silhouettes de femmes qui s’avancent dans l’allée à droite en direction du tombeau. Elles ont le visage baissé.

3ème tableau : il fait jour. L’entrée du tombeau n’a pas changé d’aspect, mais les trois femmes retournent en courant sur leurs pas.

Le peintre, témoin oculaire de cette scène étrange, n’a pas laissé de trace de ses observations.

Et les femmes ? celles qui ont vu et entendu des choses surprenantes, qu’ont-elles fait ? pendant un temps, elles n’ont rien raconté à personne, tellement elles étaient troublées, mais en définitive, elles ont bien tout raconté aux disciples.

L’évangile de Marc que vous avez entendu se termine, dans sa version courte, de façon abrupte, mais dans sa version longue, plus tardive dans sa rédaction, il reprend les témoignages des autres évangiles.

Il n’y a pas de doute, Jésus est bien apparu aux disciples en Galilée comme il l’avait promis. Thomas l’incrédule, a bien fini par se rendre à l’évidence que Jésus était là, en chair et en os devant lui, et il a cru.

Mais l’Evangile de Marc est particulièrement sobre pour décrire l’événement qui est à l’origine de la foi chrétienne.

Il est étonnant que ce qui fonde notre foi soit si ténu, si mystérieux. Car si on y regarde de plus près, on s’aperçoit qu’il n’y a pas dans les Evangiles d’explication au triomphe de Pâques, nous n’avons aucun récit dans aucun évangile relatant la manière par laquelle Jésus est passé de la mort à la vie.

Il s’est passé quelque chose, c’est certain. La résurrection n’est pas une rêverie, une invention des hommes. Quelque chose de précis, de tangible est arrivée. Mais ayons l’humilité de reconnaître que nous ignorons la nature des faits. Ce que nous savons avec certitude, c’est que les disciples, hommes et femmes tout autant, ont témoigné d’avoir vu le Christ vivant, le Christ ressuscité, ils ont été transformés dans leur cœur et leur conscience, et c’est sur la base de cette expérience qu’ils se lancèrent dans la proclamation de la bonne nouvelle. Avec l’audace et le courage que nous savons.

Dans son extrême sobriété, l’Evangile de Marc nous donne quand même des indications très précieuses sur ce qui s’est passé. En particulier sa manière de décrire les mouvements. Comment les femmes avancent vers le tombeau, comment elles lèvent les yeux vers la pierre roulée, comment elles entrent dans le tombeau vide, comment elles en ressortent… Le peintre avec ses trois tableaux a fait ce qu’il a pu pour décrire la dynamique de cette scène dans le clair – obscur du matin de Pâques. Pour bien faire, il lui aurait fallu une caméra. Et même, une caméra à infrarouge.

Tout est mouvement

Mais le récit de Marc dans sa brièveté, nous en dit plus : il y a tout qui bouge dans ce récit.

Le soleil se lève. La pierre est soulevée, roulée. Les femmes marchent en pensant à la façon dont elles vont bien pouvoir rouler la pierre. On les imagine marchant nerveusement, la tête baissée, discutant entre elles, un peu enfermées dans leurs soucis immédiats. Devant la pierre roulée, elles lèvent les yeux : encore un verbe de mouvement, associée à la surprise, l’étonnement, l’incompréhension. Déjà la peur qui les envahit. Puis elles entrent dans le tombeau.

Pour pénétrer dans un tombeau, qui est comme un trou dans le rocher, il faut forcément baisser la tête, peut-être même se courber. Pour entrer dans l’Eglise de la nativité (ou la résurrection) à Bethléem, il faut baisser la tête, tellement la porte est basse.

Et voici que les femmes ont une rencontre avec l’ange, ce jeune homme vêtu de blanc. Encore des verbes et des préfixes de mouvement dans ce qu’il dit aux femmes : « ne vous effrayez pas, vous cherchez Jésus le Nazaréen, le crucifié ; il s’est réveillé. » Là le jeune homme fait un jeu de mot : réveillé, en grec, signifie aussi ressuscité. Un mouvement vers le haut.

« Allez dire à ses disciples qu’il vous précède en Galilée » Précéder, c’est marcher devant. Avancer en tête, ouvrir un chemin, aller en éclaireur sur une voie inconnue pour faciliter la marche de ceux qui suivent.

Oui, ça bouge dans le texte. Et aussi dans le cœur de ces femmes. Car elles sortent aussitôt du tombeau.

Après le mouvement d’entrée, le mouvement de sortie. Elles s’enfuient même, effrayées. Le mot grec pour dire leur effroi a la même racine que le mot extase, qui n’a rien à voir avec la sérénité ou l’allégresse, mais qui évoque plutôt la sortie de soi-même, le bouleversement intérieur.

La rencontre se fait dans l’obscurité

Quel enseignement pouvons-nous tirer de tous ces mouvements extérieurs et intérieurs, qui ont présidé à la naissance de la foi chrétienne ?

Il est étonnant de constater en premier lieu que la rencontre avec l’ange se fait à l’intérieur du tombeau. Pas dans le jardin, pas à l’entrée en plein air, mais dans le creux sombre et secret d’un tombeau.

Pourquoi faut-il que la Parole de Dieu soit donnée dans ce lieu précis ? Pourquoi pas au sommet d’une montagne comme pour Moïse au Mont Sinaï ? Non, dans le creux, dans le lieu profond, dans l’humble lieu qui évoque la mort… voilà que la parole de Dieu nous rejoint là. Pourquoi ?

Peut-être a-t-il fallu d’abord baisser la tête pour y entrer, faire acte d’humilité, comme on rentre en soi-même à certains moments de notre existence.

Cela me rappelle le fils prodigue, qui loin de son père, au fond de sa misère et en compagnie des cochons qu’il gardait, comment à ce moment de creux de son existence, il est entrée en lui-même. Et c’est là qu’il a décidé de retourner vers le Père.

Ce n’est pas au sommet de notre gloire, ce n’est pas quand les affaires vont bien que Dieu nous rejoint. Ce n’est pas quand nous gravissons la marche du podium de la réussite sociale, que Dieu se met à nous parler au cœur. C’est dans l’humble lieu qui dit notre mortalité, notre finitude, que Dieu se manifeste.

Nous avons là une première bonne nouvelle : Dieu nous rejoint dans notre nuit, alors que nous sommes face à notre mort, confronté à notre faiblesse. Combien de fois je suis témoin de cela, lors de mes entretiens pastoraux : c’est souvent au creux de notre misère que la présence de Dieu se fait sentir. Le romancier roumain Pietru Dimitriu raconte comment il a reçu la lumière de la foi au fond de sa prison, enchaîné, méprisé et torturé par les gardiens communistes. Au fond du trou, c’est le cas de le dire, il a reçu la visite de l’ange.

N’ayez pas peur

La 2ème bonne nouvelle, elle est toute entière contenue dans ce que l’ange a déclaré aux femmes, en ce matin de Pâques. Quel fut son message ? « N’ayez pas peur, a-t-il déclaré, celui que vous cherchez est vivant, il est ressuscité »

Voilà en condensé le message central de la foi chrétienne.

D’ailleurs, nos frères Juifs reçoivent à Pâques, à leur Pâque, un message qui y ressemble : Dieu a libéré le peuple de l’esclavage d’Egypte. Là aussi il y a du mouvement et des bouleversements. Le peuple traverse la mer des joncs à pied sec. Eux aussi ont peur. Nous l’avons lu dans l’Exode : ils ont peur de tout ce qui leur arrive : les chars Egyptiens sont à leur trousse. Et les colonnes d’eau à droite et à gauche, le vent, le désert qui les attend, la marche vers l’inconnue.


Le parallèle avec le récit de Marc ne s’arrête pas là. Le Dieu de Moïse précède le peuple dans sa marche dans le désert avec la colonne de feu la nuit et la nuée pendant le jour. De même pour les femmes qui sortent du tombeau, c’est Jésus qui les précède en Galilée. Il leur indique la route à suivre.

Il nous précède

Voilà la troisième bonne nouvelle de Pâques, frères et sœurs, c’est que Jésus nous précède sur la route. Il ne suffit pas de croire que Jésus est vivant quelque part dans le monde. Mais la bonne nouvelle de ce matin, c’est que Jésus nous précède, chacun, dans notre Galilée, c'est-à-dire dans notre vie quotidienne. La Galilée, pour les disciples, c’est le retour à la vie ordinaire, après les trois années extraordinaires en compagnie de leur maître. Le maître n’est pas au tombeau, il les précède là où ils sont, dans leurs jours de malheurs, et dans les jours de bonheur.

Il y a un message vibrant que nous recevons ce matin : il nous précédera. Nous ne serons plus jamais sans lui, plus jamais seuls avec nous-mêmes, avec notre travail, notre vie et notre mort. Le ressuscité sera avec nous. Voilà le message de Pâques. Le Dieu mystérieux qui nous apparaît souvent si énigmatique dans la vie et dans la mort est maintenant présent parmi nous en Jésus Christ comme un ami et un frère. Pâques est dorénavant la fête qui nous libère pour une vie dans la joie.

Amen