Culte pour la journée des vocations
Le 7 février 2010, au Temple de Reims
Lectures : Esaïe 6. 1-8 (vocation du prophète Esaïe à travers une vision)
Luc 4. 1-11 Résumé : Jésus demande à Simon Pierre de jeter le filet alors qu’ils n’ont rien pris pendant toute la nuit. Ils ramassent une énorme quantité de poisson. Pierre reconnaît la présence de Dieu et se sent indigne. Jésus lui dit sois sans crainte, désormais tu seras pêcheur d’hommes. Pierre laisse sa barque et suit Jésus.
Il n’y a pas que les pasteurs qui sont concernés
C’est aujourd’hui la journée des vocations. C’est dans le but de susciter des vocations de pasteurs, que l’Eglise réformée de France l’a instituée. C’est une première.
Je tiens tout de suite à vous rassurer : je ne passerai pas dans les rangs à l’issue du culte pour recueillir vos demandes d’inscription à la faculté de théologie. Ce n’est pas un culte de recrutement, mais il y a quand même un message qui nous est adressé ce matin à travers les Ecritures, un message qui ne s’adresse pas aux seuls futurs pasteurs, mais à tous les chrétiens ici rassemblés, et même à ceux qui ne savent pas dire avec certitude qu’ils sont chrétiens, et ce message peut se résumer en cette petite phrase : vous avez été appelés par Jésus Christ.
La vocation d’Esaïe et de Pierre
Les deux textes que nous avons lus sont des récits de vocation, ou d’appel. D’ailleurs le mot vocation vient de vocare en latin, qui signifie appeler. Ces deux récits peuvent-ils servir de modèle ?
Examinons-les dans leurs différences, et surtout dans leurs points communs.
Ces deux récits ne se déroulent pas dans le même décor : pour Esaïe, cela se passait au cours d’une vision qui se déroulait dans le temple de Jérusalem, en 700 avant Jésus Christ environ, à l’époque où le peuple d’Israël était divisé en deux royaumes. Simon-Pierre, lui, est pêcheur de métier sur le lac de Génézareth, à l’époque où Jésus Christ commençait sa mission et se constituait une équipe de douze disciples.
Mais entre les deux récits, un point commun : Esaïe comme Pierre sont subitement mis en présence de Dieu lui-même : Esaïe au cours de sa vision, Pierre parce qu’il assiste à un miracle. « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre » dit ce dernier à Jésus qui lui proposait de jeter ses filets au large. Si la pêche ne donne rien la nuit, elle a encore moins de chances d’être fructueuse le jour, tous les pêcheurs le savent. Mais sur la simple parole de Jésus, le miracle se produit : « ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient. »
Et tous deux, Pierre et Esaïe, ont la même réaction devant cette irruption de Dieu dans leur vie : tous les deux ont une même conscience de la sainteté de Dieu et de l’abîme qui nous sépare de lui. Leurs réactions à tous les deux se ressemblent beaucoup :
« Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur » dit Pierre ; Esaïe disait : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures ; et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! »
Mais ce n’est pas notre péché ou notre indignité qui arrête Dieu ! Dieu est capable de combler le vide qui nous sépare de lui : pour Esaïe, il accomplit un geste hautement symbolique : il envoie un ange qui touche les lèvres du prophète avec une braise et lui dit : « ceci a touché tes lèvres, et maintenant ton péché est pardonné ». Quand à Pierre, il reçoit une parole de réconfort de Jésus : « sois sans crainte », et Jésus rajoute quelque chose qui marque à quel point il lui fait confiance: « désormais, ce sont des hommes que tu prendras ».
Pierre ne répond pas, mais il décide sur le champ de suivre Jésus. De façon semblable Esaïe finira par répondre à l’appel de Dieu pour être prophète d’Israël.
Ces deux récits de vocation sont construits sur un schéma classique, que l’on retrouve aussi pour Moïse au buisson ardent :
1ère étape : Dieu se manifeste dans sa gloire par un miracle ou une vision
2ème étape : L’homme, bouleversé, a d’abord un mouvement de recul et se sent indigne d’avoir été choisi. Pourquoi moi ?
3ème étape : Dieu insiste et réconforte l’homme en le déclarant digne, lui explique sa mission…
4ème étape : …et l’homme se met en route.
Est-ce un modèle pour nous ?
Ce schéma peut-il nous servir de modèle ? J’en doute fort. Cela ne correspond pas du tout à l’expérience de la très grande majorité de ceux qui s’engagent à la suite du Christ, qui prennent une responsabilité dans l’Eglise.
Qui peut dire, même parmi les pasteurs : j’ai eu une révélation de Dieu, j’ai entendu un appel ? un appel ? mais je n’ai entendu aucun appel, moi ! je n’ai jamais entendu la voix de Jésus ! Evidemment.
Qui peut dire : ma vocation s’est déroulée en 4 étapes : le miracle, la repentance, le pardon et la mission. ? Non, ce n’est pas comme cela que cela se passe, et tous les itinéraires de foi sont différents.
Nous sommes tous en chemin de foi. Certains ont des engagements dans l’Eglise, et exercent le ministère de catéchète, de prédicateur, ou de distributeurs du courrier (nous allons en reparler justement) et bien d’autres. Ont-ils tous reçu un appel ?
Il y a appel et appel
Et bien d’une certaine manière, oui. Car il y a appel et appel.
Un appel, ce n’est pas nécessairement une voix, ou un coup de sifflet. Un appel peut se manifester de mille manières, c’est quelque chose qui peut être discret, ténu, mais qui fait signe, et que nous déchiffrons parfois longtemps après. Alors le signe devient sens.
En ce qui me concerne, il m’a fallu des années pour comprendre la signification de tous les signaux, le plus souvent des signaux faibles, que Dieu m’adressait sans relâche.
La cloche qui sonne au clocher du village peut être perçue comme un appel. (d’ailleurs, c’est fait pour cela).
Certains parmi vous sont en recherche, en quête d’une réponse à une question qui aujourd’hui les taraude, et demain ce sera une autre question. Cette question les met en mouvement : ils n’ont pas trouvé « la » réponse, mais ils cherchent. Ils cherchent Dieu. On peut appeler cela le « désir de Dieu ». Mais qui a mis en eux ce désir, sinon Dieu lui-même ? qui leur a donné cet avant-goût de vie éternelle, par une expérience souvent fugitive ? et c’était tellement bon qu’ils désirent en goûter à nouveau ? N’est-ce pas là aussi une forme d’appel ? Un appel non pas à suivre Jésus Christ, mais un appel à le chercher ? et l’ayant un jour trouvé, à le suivre ?
Tous cela reste très mystérieux … et à la fois merveilleux, car toujours nouveau, toujours inattendu, comme un chemin qui sillonne dans les bois au printemps et réserve des surprises au promeneur à chaque tournant.
Se découvrir appelé par Jésus Christ
Je crois qu’être chrétien, c’est se découvrir appelé par Jésus Christ. Nous le découvrons peu à peu, pas nécessairement de manière abrupte et spectaculaire. Peu à peu nous découvrons ce qui nous a mis en route sur le chemin de la foi : une phrase lâchée au hasard d’une conversation ordinaire, la lecture d’un passage biblique, peut-être même une prédication, (c’est rare, mais ça arrive !), ou le témoignage d’un croyant. A travers toutes ces paroles, prononcées par des hommes et des femmes, c’est l’appel discret de Jésus ou de Dieu que nous avons reçu.
Être appelé, c’est exister
Qu’est-ce que cela change pour nous de nous découvrir appelés par Jésus Christ ?
Cela change profondément notre façon de nous regarder nous même. C’est comme si notre identité d’homme ou de femme avait été subtilement, mais profondément changée.
Je m’explique : tout être humain n’existe que parce qu’il a été nommé par un autre. Par une mère et un père étant petit, puis par toutes les personnes qui lui ont adressé la parole, qui se sont intéressés à lui. Un être humain, si nul jamais ne l’appelle, il meurt. S’il n’a pas de nom, il n’existe pas. Certaines personnes qui quittent brusquement leur activité professionnelle, soit par le chômage, soit par la prise de retraite, en font la douloureuse expérience. Du jour au lendemain, le téléphone ne sonne plus, personne ne les appelle. Ils ont l’impression de ne plus exister.
L’appel c’est ce qui nous identifie, c’est ce qui nous donne d’exister.
Quand Jésus appelle Pierre, il le fait exister en tant que disciple, c’est une nouvelle identité qui naît. Pour marquer le coup, Jésus va changer son nom, l’appeler autrement : Simon, désormais tu t’appelleras Pierre. Vous noterez au passage le rapprochement entre deux verbes : nommer et appeler. Comment te nommes-tu, comment t’appelle-tu ? Ce sont des expressions interchangeables. Pour être plus justes, on devrait dire : comment es-tu appelé ? comment es-tu nommé ? car nul ne peut s’appeler lui-même.
Libérés du souci d’exister par nous-mêmes
Nous découvrir appelés par le Christ, c’est nous sentir exister aux yeux d’un Autre, avec un grand A, qui a inscrit notre nom dans son cœur. Et le cœur de Dieu est large, il y a de la place pour tout le monde. Nous nous découvrons précieux aux yeux de Dieu.
Alors cela nous libère d’un grand souci. Le souci d’exister aux yeux de nous même, et aux yeux des hommes qui nous entourent. Quelle libération ! Nous n’avons pas à faire valoir nos diplômes, ou notre CV, ou nos bonnes œuvres, pour exister aux yeux de Dieu. Dieu ou Jésus Christ nous appelle et nous fait exister tels que nous sommes, c’est-à-dire pécheurs, limités, vulnérables, sujets au doute. Oui, sujets au doute. Nous n’avons même pas besoin de démontrer que nous avons la foi pour exister aux yeux de Dieu, car il nous prend avec nos doutes. N’est-ce pas une libération ?
Finalement, nous qui sommes rassemblés ici, nous recevons chacun une vocation. Ce mot ne doit pas nous effrayer. L’Eglise est le lieu privilégié où nous devrions l’entendre chaque dimanche, et pas seulement le jour J de la journée des vocations. C’est d’ailleurs inscrit dans le nom même d’Eglise, qui en grec se dit ek-klesia, appeler, appeler hors de, appeler à sortir.
Nous sommes appelés par le Christ à sortir de nos maisons,
appelés à sortir de nous-mêmes,
Nous sommes appelés comme Esaïe, comme Pierre, comme tant d’autres dont personne ne parle…
Appelés pour quoi faire ?
Pour nous mettre à l’écoute et à la suite de celui qui nous fait exister de manière profondément nouvelle : Jésus Christ.
Ce schéma peut-il nous servir de modèle ? J’en doute fort. Cela ne correspond pas du tout à l’expérience de la très grande majorité de ceux qui s’engagent à la suite du Christ, qui prennent une responsabilité dans l’Eglise.
Qui peut dire, même parmi les pasteurs : j’ai eu une révélation de Dieu, j’ai entendu un appel ? un appel ? mais je n’ai entendu aucun appel, moi ! je n’ai jamais entendu la voix de Jésus ! Evidemment.
Qui peut dire : ma vocation s’est déroulée en 4 étapes : le miracle, la repentance, le pardon et la mission. ? Non, ce n’est pas comme cela que cela se passe, et tous les itinéraires de foi sont différents.
Nous sommes tous en chemin de foi. Certains ont des engagements dans l’Eglise, et exercent le ministère de catéchète, de prédicateur, ou de distributeurs du courrier (nous allons en reparler justement) et bien d’autres. Ont-ils tous reçu un appel ?
Il y a appel et appel
Et bien d’une certaine manière, oui. Car il y a appel et appel.
Un appel, ce n’est pas nécessairement une voix, ou un coup de sifflet. Un appel peut se manifester de mille manières, c’est quelque chose qui peut être discret, ténu, mais qui fait signe, et que nous déchiffrons parfois longtemps après. Alors le signe devient sens.
En ce qui me concerne, il m’a fallu des années pour comprendre la signification de tous les signaux, le plus souvent des signaux faibles, que Dieu m’adressait sans relâche.
La cloche qui sonne au clocher du village peut être perçue comme un appel. (d’ailleurs, c’est fait pour cela).
Certains parmi vous sont en recherche, en quête d’une réponse à une question qui aujourd’hui les taraude, et demain ce sera une autre question. Cette question les met en mouvement : ils n’ont pas trouvé « la » réponse, mais ils cherchent. Ils cherchent Dieu. On peut appeler cela le « désir de Dieu ». Mais qui a mis en eux ce désir, sinon Dieu lui-même ? qui leur a donné cet avant-goût de vie éternelle, par une expérience souvent fugitive ? et c’était tellement bon qu’ils désirent en goûter à nouveau ? N’est-ce pas là aussi une forme d’appel ? Un appel non pas à suivre Jésus Christ, mais un appel à le chercher ? et l’ayant un jour trouvé, à le suivre ?
Tous cela reste très mystérieux … et à la fois merveilleux, car toujours nouveau, toujours inattendu, comme un chemin qui sillonne dans les bois au printemps et réserve des surprises au promeneur à chaque tournant.
Se découvrir appelé par Jésus Christ
Je crois qu’être chrétien, c’est se découvrir appelé par Jésus Christ. Nous le découvrons peu à peu, pas nécessairement de manière abrupte et spectaculaire. Peu à peu nous découvrons ce qui nous a mis en route sur le chemin de la foi : une phrase lâchée au hasard d’une conversation ordinaire, la lecture d’un passage biblique, peut-être même une prédication, (c’est rare, mais ça arrive !), ou le témoignage d’un croyant. A travers toutes ces paroles, prononcées par des hommes et des femmes, c’est l’appel discret de Jésus ou de Dieu que nous avons reçu.
Être appelé, c’est exister
Qu’est-ce que cela change pour nous de nous découvrir appelés par Jésus Christ ?
Cela change profondément notre façon de nous regarder nous même. C’est comme si notre identité d’homme ou de femme avait été subtilement, mais profondément changée.
Je m’explique : tout être humain n’existe que parce qu’il a été nommé par un autre. Par une mère et un père étant petit, puis par toutes les personnes qui lui ont adressé la parole, qui se sont intéressés à lui. Un être humain, si nul jamais ne l’appelle, il meurt. S’il n’a pas de nom, il n’existe pas. Certaines personnes qui quittent brusquement leur activité professionnelle, soit par le chômage, soit par la prise de retraite, en font la douloureuse expérience. Du jour au lendemain, le téléphone ne sonne plus, personne ne les appelle. Ils ont l’impression de ne plus exister.
L’appel c’est ce qui nous identifie, c’est ce qui nous donne d’exister.
Quand Jésus appelle Pierre, il le fait exister en tant que disciple, c’est une nouvelle identité qui naît. Pour marquer le coup, Jésus va changer son nom, l’appeler autrement : Simon, désormais tu t’appelleras Pierre. Vous noterez au passage le rapprochement entre deux verbes : nommer et appeler. Comment te nommes-tu, comment t’appelle-tu ? Ce sont des expressions interchangeables. Pour être plus justes, on devrait dire : comment es-tu appelé ? comment es-tu nommé ? car nul ne peut s’appeler lui-même.
Libérés du souci d’exister par nous-mêmes
Nous découvrir appelés par le Christ, c’est nous sentir exister aux yeux d’un Autre, avec un grand A, qui a inscrit notre nom dans son cœur. Et le cœur de Dieu est large, il y a de la place pour tout le monde. Nous nous découvrons précieux aux yeux de Dieu.
Alors cela nous libère d’un grand souci. Le souci d’exister aux yeux de nous même, et aux yeux des hommes qui nous entourent. Quelle libération ! Nous n’avons pas à faire valoir nos diplômes, ou notre CV, ou nos bonnes œuvres, pour exister aux yeux de Dieu. Dieu ou Jésus Christ nous appelle et nous fait exister tels que nous sommes, c’est-à-dire pécheurs, limités, vulnérables, sujets au doute. Oui, sujets au doute. Nous n’avons même pas besoin de démontrer que nous avons la foi pour exister aux yeux de Dieu, car il nous prend avec nos doutes. N’est-ce pas une libération ?
Finalement, nous qui sommes rassemblés ici, nous recevons chacun une vocation. Ce mot ne doit pas nous effrayer. L’Eglise est le lieu privilégié où nous devrions l’entendre chaque dimanche, et pas seulement le jour J de la journée des vocations. C’est d’ailleurs inscrit dans le nom même d’Eglise, qui en grec se dit ek-klesia, appeler, appeler hors de, appeler à sortir.
Nous sommes appelés par le Christ à sortir de nos maisons,
appelés à sortir de nous-mêmes,
Nous sommes appelés comme Esaïe, comme Pierre, comme tant d’autres dont personne ne parle…
Appelés pour quoi faire ?
Pour nous mettre à l’écoute et à la suite de celui qui nous fait exister de manière profondément nouvelle : Jésus Christ.
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